Par Ghislain Bédard et Mathieu Lavigne
Le 21 juin, journée du solstice d’été, nous célébrons chaque année la Journée nationale des peuples autochtones. Cette journée de célébration, fruit d’une collaboration entre de nombreux groupes et collectivités autochtones et le gouvernement canadien, est l’occasion de souligner le patrimoine, la diversité culturelle et les réalisations des Premières Nations, des Inuits et des Métis, groupes souvent désignés sous le vocable de « peuples autochtones ».
Cette journée de célébration nous offre la possibilité de faire des rencontres. La présente crise sanitaire, bien que le déconfinement s’accélère, limite cependant les occasions de nous rassembler. Dès lors, la littérature devient un lieu d’échange encore plus important, sollicitant autant la tête que le cœur. Plonger dans la littérature issue d’autres peuples et cultures, c’est en quelque sorte une manière d’« écouter la vérité de l’autre », pour reprendre cette inspirante expression qu’emploie avec justesse l’intellectuel Jean-Claude Guillebaud.
L’émergence, ces dernières années, de la littérature issue des peuples autochtones est spectaculaire. Comme le souligne Jean-François Caron : « La littérature […] est l’un des signes parmi les plus réjouissants d’une prise en main solide, d’une appropriation de leur destin par les peuples autochtones du Québec. » Mission chez nous vous propose donc, en cette Journée nationale des peuples autochtones, quelques titres ayant particulièrement touché les membres de l’équipe.
Bleuets et abricots de Natasha Kanapé Fontaine (Mémoire d’encrier, 2016)

Le recueil de poésie Bleuets et abricots, paru en 2016 chez Mémoire d’encrier, est l’œuvre de Natasha Kanapé Fontaine, autrice, actrice et militante innue. Cette poésie évoque celle de la magnifique poète Joséphine Bacon par l’importance qu’elle accorde aux origines, aux racines, à la terre, au territoire, et peut également rappeler la poésie québécoise des années 1960 et 1970, particulièrement celle de Gaston Miron. Il y a quelque chose de profondément émouvant dans cette décision prise par la jeune poète Natasha Kanapé Fontaine de « dire oui à [s]a naissance », un « oui » que l’on comprend individuel et collectif. L’artiste nous propose une poésie entre colère et espoir. Entre cri et chant. Une parole qui se libère. Et il y a chez cette autrice cette image du « tannage des peaux », « manière métaphorique de gratter les imperfections des pensées et des consciences », comme le souligne l’éditeur. Une image qui implique un travail d’éducation, de sensibilisation, mais aussi, qui ouvre sur l’espoir.
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Aalaapi du Collectif Aalaapi (Atelier 10, 2019)

Aalaapi signifie « faire silence pour entendre quelque chose de beau ». C’est d’abord et avant tout un documentaire radiophonique collaboratif québéco-inuit réalisé par Marie-Laurence Rancourt et produit par Magnéto, un organisme qui réalise des balados (podcasts) qui se veulent être « du cinéma pour les oreilles ». Ce balado est devenu spectacle théâtral grâce à l’imagination de Laurence Dauphinais, puis il a ensuite pris la forme d’un livre, publié dans la collection Pièces de l’entreprise sociale Atelier 10. Cette œuvre donne la parole à de jeunes femmes inuites qui évoquent leur réalité, leurs aspirations personnelles, leur vie oscillant entre le Nord et le Sud. Aalaapi, c’est une plongée dans le Nunavik d’aujourd’hui, loin des clichés. C’est un appel à la rencontre. À faire silence pour mieux écouter.
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Amun d’un collectif d’auteurs, sous la direction de Michel Jean (Stanké, 2016)

À la mi-août, les familles innues de Masteuiatsh partaient en direction de la tête du lac Pekuakami jusqu’à l’embouchure de la rivière Péribonka, dont elles remontaient le courant, traversant ainsi maints obstacles pour ensuite installer leur campement sur leur territoire de chasse traditionnel respectif. On y passait l’hiver à traquer et à chasser de quoi se nourrir pour l’année. Le printemps venu, toutes ces familles étaient heureuses de redescendre vers les rives du Pekuakami, où elles passaient l’été. C’était l’heure des retrouvailles, du rassemblement, du Amun. Paru chez Stanké en 2016, le recueil de nouvelles Amun évoque ce lieu. Il regroupe, sous la direction de Michel Jean, neuf auteurs et autrices autochtones « de divers horizons, de différentes nations ou générations » (quatrième de couverture), qui nous livrent des textes de fiction évocateurs, comme autant de portes pour découvrir l’histoire, les traditions, les légendes, ou la réalité actuelle, parfois dure, parfois tendre, des Premières Nations. Cette prise de parole collective nécessaire, trop rare, nous conduit au cœur de récits où convergent passé et modernité, violence et douceur, souffrance et guérison, mort et renaissance, déchirure et quête d’identité, réalité et fantastique. Ce recueil constitue une belle initiation à la riche diversité de la littérature autochtone.
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Mythes et réalités sur les peuples autochtones de Pierre Lepage (3e édition mise à jour et augmentée, 2019)

Exceptionnellement, cette dernière suggestion ne s’apparente pas à une œuvre littéraire. Et n’est pas non plus le produit d’un auteur autochtone… mais elle consiste en un ouvrage de vulgarisation et de référence incontournable pour qui s’intéresse sérieusement à la réalité des peuples autochtones. Cette publication de Pierre Lepage, dont la première édition (2002), née à la suite des lendemains difficiles de la Crise d’Oka (1990), a connu un succès inattendu, « cherche à répondre à une urgence, soit contribuer à réduire l’immense fossé qui séparait les Québécois et les Autochtones, en changeant les perceptions négatives et en contrecarrant la méconnaissance généralisée à leur sujet ». Après une deuxième édition en 2009, cette nouvelle mouture propose une mise à jour substantielle qui tient compte de « l’évolution importante de la question autochtone au cours des quinze dernières années ». Ce document, qui devrait former la base de toute réflexion et guider tout regard sur les peuples autochtones du Québec, permettra de mieux comprendre les enjeux actuels touchant les Autochtones et d’interroger la nature des relations, parfois entachées de mythes, que nous entretenons avec eux. Un ouvrage nécessaire que toute citoyenne et tout citoyen soucieux du rapprochement entre nos cultures devrait lire.
Cet ouvrage est disponible gratuitement en format pdf (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse Québec)
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On pourra aussi consulter la liste de lectures suggérées dans le cadre de la campagne #LecturesAutochtones mise en œuvre par le gouvernement du Canada.