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Alliances et traités avec les peuples autochtones du Québec

Image en bandeau : Lire en nature | Photo : Ben White/Unsplash

Compte rendu du livre Alliances et traités avec les peuples autochtones du Québec. L’histoire de la Première Nation Wolastoqiyik Wahsipekuk. La nation Malécite du Saint-Laurent, de Carl Brisson et Camil Girard (Québec, Presses de l’Université Laval, 2021, 344 p.)

« L’histoire du Québec et du Canada jusqu’au Canada-Uni de 1840, c’est l’histoire des peuples autochtones et de la reconnaissance de leur territoire par les Français et les Britanniques. Alliés pour le commerce, les guerres, l’accueil des colons ou pour la paix commune, les peuples autochtones occupent les immenses territoires nordiques canadiens alors que les Européens occuperont les zones du Sud urbain et rural qui ne représenteront jamais plus de 5 % à 10 % de l’ensemble des territoires autochtones. Cette histoire sera niée par les Canadiens qui privilégieront la notion de « soumission » et d’élimination du territoire indien, territoire ramené au minuscule enfermement des réserves indiennes. » (p. 185)

Livre Alliances et traités avec les peuples autochtones du Québec

Le constat est sans appel. Si les jeux en coulisses des pouvoirs étatiques sont clairs, l’histoire coloniale et endocoloniale1 nie et trafique encore les faits. Les Autochtones en payent les frais, notamment la Première Nation Wolastoqiyik Wahsipekuk (Malécite de Viger, autrefois Etchemins et Amalécites) qui a vu son territoire ancestral – le Wolastokuk, qui longe la rivière Saint-Jean, chevauchant le Québec, le Nouveau-Brunswick et le Maine – lui être dérobé de même que son petit village en 1869. L’ouvrage dresse un portrait de l’évolution sociopolitique de cette première nation : des rencontres interculturelles aux alliances tant avec les Français qu’avec les Anglais, de leur dispersion et de leur oubli jusqu’à leur renaissance et leur reconnaissance par le gouvernement fédéral en 1987 et celui du Québec en 1989.

Reconstruire l’histoire de la Première Nation Malécite n’est pas simple, compte tenu de leur dispersion sur le territoire. Les auteurs s’y efforcent en décortiquant notamment les traités, dont ceux des préconquêtes, souvent volontairement exclus de l’histoire canadienne. Ils s’intéressent également aux alliances historiques scellées de nation à nation de bonne foi ou de moins bonne foi. « La France a privilégié un mode d’occupation du territoire qui ne nécessitait ni cession ou vente des terres, mais plutôt des alliances. Les Anglais ont continué cette politique avec la Proclamation royale de 1763. Mais, en insérant de nouvelles notions liées à l’occupation et à la mise en valeur des terres et du territoire indien, la Couronne britannique met en place une politique qui favorise une interprétation restrictive de la Proclamation royale de 1763. » (p. 2)

L’ouvrage dépoussière ainsi les faits historiques dans une approche de déconstruction de la pensée coloniale où les concepts de conquête, de christianisation, de civilisation et d’assimilation ont teinté les écrits de certaines instances politiques et d’historiens du passé pour construire une histoire du Canada éloignée de la réalité historique. Les auteurs rappellent qu’« affirmer et prétendre exercer la souveraineté sur ce territoire sans alliance avec ceux qui l’habitent et l’occupent effectivement devient une création de l’esprit, création qui prévaut dans notre histoire nationale québécoise ou canadienne » (p. 184). Présentée comme une alliance entre les francophones et les anglophones, le projet de création de la nation canadienne « a exclu, par un système de lois discriminatoires, les peuples autochtones et les droits à leurs terres de la fondation de l’État qui s’est mis en place avec la Confédération de 1867 » (p. 14).

Ce travail exhaustif s’appuie sur l’examen de diverses sources comme des documents d’archives, des traités et des cartes, mais également en incluant la tradition orale avec ses contes et légendes tels que la naissance de la rivière Saint-Jean (p. 69-70) et son occupation avec la légende de Malobiannah (p. 118-119). Ces éléments permettent de mettre en perspective des pratiques de ce peuple principalement nomade qui, contrairement à une croyance populaire, pratiquent également l’agriculture comme en témoigne la légende de l’origine du maïs (p. 24-25).

En somme, si le livre présente une démarche indispensable pour la Première Nation Wolastoqiyik dans leur processus de reconnaissance, il constitue également un outil méthodologique pour tous les peuples autochtones qui « sont pris dans un engrenage administratif où ils ne sont plus des alliés, mais des quémandeurs » (p. 221) cherchant à démontrer leur présence sur un territoire, comme les Wolastoqiyik qui, s’il faut le rappeler, n’ont jamais cédé le Wolastokuk. Les allochtones ont tous intérêt également à lire cet ouvrage pour mieux comprendre la construction d’une histoire nationale trafiquée qui a trop longtemps nié sa véritable genèse, justifiant ainsi « une législation autorisant l’usurpation du territoire indien et l’imposition d’un nouveau statut social : l’Indien primitif et mineur sous la tutelle de l’État. La vraie conquête des peuples autochtones du Canada, ce n’est pas 1534 avec Jacques Cartier ou la Conquête de 1760, c’est 1867 avec la Confédération » (p. 223).

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