Recension du livre : Collectif, Anicinabezekwan. Héritage culinaire des Anicinabek de Lac Simon, Éditions L’Esprit Libre, 2023, 91 p.
L’anthropologue Laurence Hamel-Charest consigne dans le présent ouvrage la mémoire culinaire d’une communauté, celle des Anicinabek1 (Algonquins) de Lac Simon en Abitibi. Prenant la forme d’une plaquette, l’exercice ludique ne perd aucunement la valeur et la saveur des témoignages recueillis, permettant une immersion dans l’univers alimentaire de la communauté, une transmission de recettes « à l’œil, de mémoire, au goût » (p. 9-10), apprises par l’oral et par mimétisme.
Ici, point de méthodologie culinaire à suivre. Loin du livre de recettes, l’exercice de style est tout autre. « C’est plutôt une collection de partages alimentaires où s’entrecroisent des savoirs et des souvenirs récents et anciens. » (p. 10) Les récits sont regroupés sous différentes thématiques qui composent l’univers culinaire des Anicinabek : bannique, waw (œuf), nibobi (soupe), moss (orignal), amik (castor), kigos (poisson), pâtes, padak (patate), kajiwak (dessert). Si l’on y trouve des recettes, celles-ci côtoient le plaisir et les souvenirs de l’« être ensemble ». Les petits témoignages colligés sont des épisodes de vie de différentes générations en rapport direct avec la nature nourricière, le territoire, le sens de la communauté et la notion de partage. La tradition, comme le castor fumé, y côtoie et intègre l’apport allochtone, comme le spaghetti à la canne de soupe aux tomates et saucisses à hot-dog.
La grande originalité de ce recueil se situe principalement dans le dépouillement, dans la simplicité de la parole retranscrite; une belle introduction2 aux connaissances alimentaires des Anicinabek.
Ancienne technique de trappe pour l’amik (ou le castor): « L’automne, c’était le fun aussi. Par exemple, il y a une petite dam (barrage), pas trop grosse. Ils le brisaient, alors ça séchait et le castor courait partout. Ils l’attendaient et le pognaient avec un bâton ou ils mettaient des pièges. » (p. 53) | Photo : Pascal Huot
Pascal Huot est chercheur indépendant. Diplômé en études autochtones, il a également effectué une maîtrise en ethnologie à l’Université Laval. Celle-ci a fait l’objet d’une publication intitulée Tourisme culturel sur les traces de Pierre Perrault, Étude ethnologique à l’Île aux Coudres. Ses résultats de recherche ont paru dans divers journaux, magazines et revues. En 2016, il a fait paraître Ethnologue de terrain aux Éditions Charlevoix.