Légende inuite de Povungnituk
Voici une histoire, celle de Qisaruatsiaq. […] C’est encore une histoire des anciens temps qui s’est passée avant l’arrivée des Blancs dans cette contrée.
Celle-ci essayait de subsister avec seulement du poisson, elle vivait presque totalement isolée bien qu’elle eût deux fils. Elle avait deux fils qui essayaient de la faire vivre, mais elle n’appréciait pas qu’on s’occupât d’elle; elle construisait toujours un iglou pour elle seule; et bien qu’elle fût sollicitée pour habiter avec d’autres, toute vieille femme qu’elle était, elle construisait un iglou pour elle seule, se trouvant isolée de son propre gré.
Elle était très mauvaise et avait l’habitude de voler; elle volait les poissons des autres pendant leur sommeil. Elle allait à la pêche et comme elle allait à la pêche, elle arrivait à survivre; lorsqu’elle n’attrapait pas de poisson, elle en volait. Étant ainsi elle vivait solitaire bien que ses fils essayassent de s’occuper d’elle.
Elle était incapable de vivre dans un iglou avec d’autres personnes, parce qu’elle était solitaire.
Comme elle allait à la pêche chaque jour, il advint qu’un jour elle ne revint plus. Comme elle n’était plus revenue, on partit le lendemain à sa recherche; mais comme on arrivait à l’endroit où elle pêchait habituellement, il n’y avait personne. Elle était partie en marchant loin vers l’intérieur des terres. Celui qui était à sa recherche suivit ses traces. Il suivit longtemps ses traces. La nuit survint et il suivait encore les traces, une autre nuit survint, et encore, encore elle continuait vers l’intérieur des terres.
Alors que la nuit tombait, il se rendit compte, par les traces de la vieille, que ses pieds étaient déchaussés; plus il suivait les traces et plus elles devenaient petites; comme il cherchait à en savoir la cause, les traces de l’un de ses pieds se changèrent en celles d’un loup, celle de l’autre étant toujours des traces humaines. Comme il en était ainsi, celui-ci, qui s’efforçait de suivre les traces, revint tout simplement.
Par la suite, ceux qui allèrent à la chasse au caribou se rendirent compte qu’elle se nourrissait de viande de caribou et qu’elle chassait le caribou. Elle se vit encore voir ensuite, elle se fit voir plusieurs fois, alors que ceux qui allaient à la chasse au caribou s’enfonçaient là-haut dans l’arrière-pays. Elle avait également enlevé sa seconde botte et ainsi, s’étant elle-même coupée des autres gens, elle devint un loup.
Tiré du livre : NUNGAK, Zebedee et Eugene ARIMA, Légendes inuit de Povungnituk, Québec, Ottawa, Musée national de l’homme – Musées nationaux du Canada, bulletin no 135, 1975, p. 27-29.