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Croc fendu

Recension du livre : Tania Tagag (traduction Sophie Voillot), Croc fendu, Québec, Les Éditions Alto, 2018, 208 p. + ill.

par Jacinthe Dostie

Comme un coup de poing, les mots frappent le cœur et l’imagination. Difficile de sortir indemne de la lecture de Croc fendu, du récit de cette jeune fille mutilée par son quotidien. Avec son premier roman, Tania Tagag, la chanteuse inuite originaire d’Ikaluktutiak au Nunavut, nous assaille et nous fait tressaillir, montrant la violence perpétuelle entourant sa jeune héroïne, ainsi que la discrète douceur de certains moments de grâce. Intercalée dans le récit, la poésie d’une beauté tout aussi dure et radicale permet au lecteur de retrouver, l’espace d’une seconde, son souffle.

Dans le Nunavut des années 1970, une enfant vit, survit dans un univers froid, un village de deux mille âmes. Devant la rigueur de son univers, elle se doit d’adopter rapidement une position plus endurcie dans la candeur de l’enfance. Elle se mesure avec les éléments, avec ses camarades de classe. Elle confronte, intègre la douleur pour ne pas se laisser envahir par elle.

Roman de l’enfance et des émotions brutes, la nature et le temps prennent également une place prépondérante dans le récit : le froid qui assaille, la nuit perpétuelle, le jour implacable, les animaux témoins. Ces éléments mystiques interagissent, infléchissent chacun des personnages.

L’enfant grandit. Elle devient une adolescente, puis une mère. Elle fait sa place, poursuit son chemin. Elle découvre son monde constitué d’agressions, mais aussi d’amitiés et de tendresse. Elle constate les souffrances de ses ancêtres, connaît les façons de fuir la réalité. Et tout ça vit en elle, dans son cœur, dans sa mémoire, dans son sang, dans ses sens.

Un roman d’une force narrative impitoyable, dédié aux femmes et aux filles autochtones disparues ou assassinées ainsi qu’aux survivants des pensionnats. Une autrice à lire.

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