Ces derniers jours, Jésuites et Missionnaires Oblats se sont joints aux nombreuses voix qui ont dénoncé avec vigueur les circonstances qui ont mené à la mort tragique de madame Joyce Echaquan, membre de la communauté atikamekw de Manawan. Les deux communautés religieuses n’hésitent pas à parler de « racisme systémique » pour qualifier la discrimination persistante que subissent encore les Autochtones au Québec.
Prise de parole des Jésuites
« Il y a 400 ans que nous vivons ensemble, ne pouvons-nous faire mieux? Pourquoi nous connaissons-nous si mal? Le 28 septembre, Joyce Echaquan, une Autochtone de 37 ans, mère de sept enfants et membre de la Première Nation des Atikamekw de Manawan, est morte accablée d’insultes racistes déshumanisantes dans un hôpital de Joliette, au Québec.
«Les Jésuites du Canada expriment leur profonde sympathie à la famille de madame Echaquan et à sa communauté. Nous tenons aussi à nous dire solidaires de la frustration des Premières Nations devant l’ampleur des préjugés systémiques et de la discrimination à l’encontre des peuples autochtones au Canada.»
Tels sont les mots libellés dans les premiers paragraphes du communiqué intitulé « La mort de Joyce Echaquan et le racisme anti-autochtone », émis ces derniers jours par les Jésuites du Canada concernant les événements tragiques qui ont touché la famille Echaquan et la communauté de Manawan en septembre dernier.
Les Jésuites soulignent que «cet incident n’est pas isolé au Canada» et qu’«affirmer que le racisme anti-autochtone n’est pas systémique, cela sent la naïveté, la rhétorique politicienne ou l’ignorance délibérée». On y précise que «le racisme s’exprime extérieurement dans des actions personnelles et institutionnelles. Ces pratiques sont le résultat d’une vision de « l’autre » héritée d’usages coloniaux qui subordonnent et marginalisent les personnes différentes du groupe dominant».
«Nous avons besoin de l’aide de nos sœurs et de nos frères autochtones. Nous devons écouter leurs voix et apprendre de leurs connaissances», y affirme-t-on, rappelant que «les jésuites [ont déjà entrepris de se mettre] à l’écoute des voix et de la sagesse de nos sœurs et de nos frères autochtones, ce qui a assurément élargi nos perspectives et nous a aidés à entreprendre notre propre itinéraire vers la décolonisation. Plusieurs autres se sont aussi mis à l’écoute et ont progressé dans la solidarité et le partenariat avec les peuples autochtones».
On y lance enfin ce vif appel : «En nous donnant les uns aux autres de l’espace pour respirer et pour nous exprimer librement, nous pourrons peut-être commencer à vivre vraiment ensemble.»
Lire le communiqué des Jésuites en entier.
Prise de parole des Missionnaires Oblats
Pour leur part, les Missionnaires Oblats font état de leur indignation dès les premières lignes de leur communiqué daté du 4 novembre 2020 et titré «Le racisme dénoncé par les Missionnaires Oblats à l’occasion de la mort tragique de Joyce Echaquan» : «Les circonstances dramatiques du décès de Joyce Echaquan nous ont profondément choqués. La présence de Missionnaires Oblats dans des dizaines de communautés autochtones d’un océan à l’autre durant plus de 170 ans nous a mis à l’écoute de leur combat incessant pour le respect de leurs droits à l’existence et à la différence culturelle. C’est ce qui nous amène à intervenir dans la crise actuelle, à la fois pour interpeller les décideurs et renouveler notre propre engagement.»
Ils y déplorent, en particulier,
- «le caractère nettement discriminatoire de plusieurs mesures imposées aux indigènes, dans le but avoué de les assimiler et parfois de les exterminer;
- les préjugés sociaux et les comportements racistes qui perdurent dans nos institutions et services publics et dans la population en général à l’endroit des autochtones et des minorités visibles»;
mais aussi reconnaissent, de façon courageuse, les méfaits de leur «propre attitude colonisatrice, en maints endroits, en collaborant à un système gouvernemental qui enlevait des enfants à leur famille et leur culture dès leur bas âge, et entretenait le préjugé que notre approche éducative et spirituelle était en tous points supérieure à celle de ces peuples». En conséquence, les Oblats réitèrent leur demande de pardon faite publiquement à plusieurs reprises dans les années précédentes et, ainsi, reconnaissent de nouveau leur «part de responsabilité dans les souffrances infligées aux jeunes et aux familles, et surtout pour les abus sexuels commis par quelques Oblats dans les communautés».
Mais surtout, fort de leur présence soutenue dans les communautés autochtones au fil des ans, ils tiennent à célébrer, entre autres, «la force exceptionnelle de résilience de ces populations; la profondeur et vivacité de leur foi; leur détermination grandissante de se tenir debout pour leur dignité personnelle et pour être reconnus et traités comme Nations».
Aussi, les Oblats espèrent et demandent, parmi plusieurs autres points :
- «que soit reconnu par les autorités civiles le caractère systémique du racisme dans nos institutions, à l’égard des autochtones;
- que des mesures concrètes soient prises pour donner suite aux recommandations des diverses Commissions d’enquête; c’est le moment de passer à l’action plutôt qu’à de nouvelles études»;
et souhaitent continuer de s’engager par diverses actions concrètes déjà entreprises dans leurs différents lieux d’intervention (voir les détails à ce sujet dans le communiqué), « conscients que cette transformation des rapports entre cultures requiert une conversion et une compromission de toutes les unités en présence».
Les Missionnaires Oblats concluent ainsi leurs propos : «Par ces engagements concrets, nous voulons rendre grâces pour les liens d’amitié tissés au fil du temps, travailler à la réparation des erreurs du passé et à l’avènement de ce monde de fraternité auquel nous appelle le Créateur de tous les peuples de la Terre.»
Au sujet de la prise de parole des Oblats, on peut lire aussi cet article publié sur le site de Radio-Canada – Ici Côte-Nord.