Savez-vous ce que signifie le nom de Chicoutimi ? Ou encore celui de Natashquan ? Comme une sorte d’exercice poétique, la chanson Mishapan Nitassinan, interprétée par Chloé Sainte-Marie, déroule la liste de divers toponymes d’origine autochtone issus pour la plupart du Québec. Et si nous explorions quelque peu ce territoire méconnu… Deuxième de quatre articles.
Mishapan Nitassinan1 (Que notre terre était grande) est une chanson interprétée par Chloé Sainte-Marie qui s’écoute en pièce d’ouverture de son album Je marche à toi paru en 2002. Le texte magnifique, signé par la poétesse innue Joséphine Bacon et le musicien Gilles Bélanger, défile les toponymes amérindiens principalement du Québec, mais également des Amériques. Ces noms de lieux sont intimement liés au territoire et sont d’une grande richesse pour la représentation de celui-ci.
Ce texte propose donc le résultat d’une petite recherche sur la signification de la toponymie des lieux énoncés dans la chanson originale, composée de quatre couplets. Voici donc aujourd’hui le contenu du second couplet.
Québec Manicouagan Hushuai Matapédia
Tadoussac Guanahani Chicoutimi Arthabaska
Natashquan Magog Mexico Shawinigan
Matane Michigan Wyoming Nebraska
Québec : La signification en langue algonquine est là où le fleuve se rétrécit. La Commission de toponymie du Québec précise que le mot Kebec a pour signification là où c’est bouché.
Manicouagan : Selon l’orthographe Menukuanistuk Shipu, révélée par la communauté innue de Betsiamites, la signification est rivière à la tasse.
Hushuai : La ville d’Ushuaia en Argentine provient de la langue yagan et signifie au fond de la baie ou au fond de la crique.
Matapédia : Le mot micmac Matapegiag signifie rivière qui fait fourche, jonction de rivières.
Tadoussac : Le toponyme innu Totouskak signifie mamelles, seins, en référence aux collines rondes que l’on retrouve près du village.
Guanahani : Île des Bahamas sur laquelle Christophe Colomb débarqua le 12 octobre 1492, qu’il rebaptisa San Salvador. Appelée Guanahani par les amérindiens Tainos qui habite l’île voulant dire dans leur langue le rocher du seigneur de l’eau2.
Chicoutimi : Avec ses multiples graphies, « on estime que le montagnais eshko-timiou, jusqu’où c’est profond, de isko, jusqu’ici et timiw, profond, expliquerait le toponyme. Selon d’autres explications, on avance les significations : rivière coulant au fond d’un précipice, plus loin, elle (rivière) est encore profonde, l’eau cesse d’être profonde. L’élément de sens profond assure toutefois une certaine unité à ces diverses interprétations » (Commission de toponymie, Noms et lieux du Québec. Dictionnaire illustré, p. 134).
Arthabaska : « Un des rares noms municipaux d’origine amérindienne de la région des Bois-Franc […]. Provenant du cri ayabaskaw, prononcé (arabaska) par les Cris de la Forêt, le toponyme a pour signification, là où il y a des roseaux, du jonc. » (Commission de toponymie, Noms et lieux du Québec. Dictionnaire illustré, p. 25)
Natashquan : Le toponyme que l’on retrouve orthographié Nutahkuant ou Nutashkuan en innu-aimun se traduit par là où l’on a pris l’ours noir, ou par il fait la chasse à l’ours. Dans la tradition populaire, l’endroit tire sont nom du fait qu’un ours se serait aventuré dans la localité et que les gens auraient alors entrepris une chasse pour le tuer.
Magog : S’il n’y a pas consensus sur l’origine du nom Magog, retenons ici, pour cet exercice, celle qui est évoquée par les Abénaquis qui veut que le toponyme provienne des mots namagok ou namagwôttik qui signifient lac où il y a de la truite saumonée.
Mexico : D’origine nahuatl, le nom signifie lieu du centre de la lune ou lac de la lune ou encore nombril de la lune.
Shawinigan : L’interprétation atikamekw généralement retenue est portage sur la crête.
Matane : Il s’agit du micmac signifiant vivier de castors.
Michigan : État du Midwest des États-Unis qui vient du mot ojibwé Mishigami qui signifie grande eau ou grand lac.
Wyoming : État américain qui signifie en algonquin lieu de grande prairie.
Nebraska : État américain dont le nom amérindien signifie rivière plate ou eau plate.
Prochain article : exploration du troisième couplet de la chanson.
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Pour aller plus loin
- Commission de toponymie, Noms et lieux du Québec. Dictionnaire illustré, Partie 2, Québec, Les Publications du Québec, 2006.
- Gouvernement du Canada, Origine des toponymes du Canada et de ses provinces et territoires, [En ligne]. [https://www.rncan.gc.ca/sciences-de-la-terre/geographie/origine-des-toponymes-du-canada/origine-des-toponymes-du-canada-et-de-ses-provinces-et-territoires/9225]
- Chloé Sainte-Marie, Biographie, Québec Info Musique, [en ligne]. [http://www.qim.com/artistes/biographie.asp?artistid=344]
- Chloé Sainte-Marie, « Mishapan Nitassinan », album Je marche à toi, Octant Musique, 2002, piste 1, [En ligne]. [https://www.youtube.com/watch?v=Iajdt5GLGuI&feature=emb_title]
- Chloé Sainte-Marie, Site officiel, [En ligne]. [http://chloesaintemarie.com/]
- Anne-Marie Yvon, Joséphine Bacon, la vie en trois temps d’une femme d’exception, Radio-Canada, Espaces autochtones, 8 mars 2019, [En ligne] [https://ici.radio-canada.ca/espaces-autochtones/1155819/josephine-bacon-innue-poete-autochtone-histoire]

Pascal Huot est chercheur indépendant. Diplômé en études autochtones, il a également effectué une maîtrise en ethnologie à l’Université Laval. Celle-ci a fait l’objet d’une publication intitulée Tourisme culturel sur les traces de Pierre Perrault, Étude ethnologique à l’Île aux Coudres. Ses résultats de recherche ont paru dans divers journaux, magazines et revues. En 2016, il a fait paraître Ethnologue de terrain aux Éditions Charlevoix.