Image en bandeau : Statue de Joseph Chiwatenwha | Photo : michael_swan/Flickr
Si sainte Kateri Tekakwitha (1656-1680) est bien connue au Québec, il en va tout autrement de Joseph Chiwatenhwa (1602-1640), un Huron-Wendat purement inconnu ici. Pourtant, il figure parmi les premiers autochtones convertis au christianisme en Huronie.
Lors de son passage en sol canadien en septembre 1984, plus précisément au Sanctuaire des Saints Martyrs canadiens à Midland en Ontario, le pape Jean-Paul II1 a souligné dans son homélie la foi des chrétiens et chrétiennes des Premières Nations, dont celle de Joseph Chiwatenhwa et de sa famille. « Nous souhaitons rendre hommage, également, à tous ceux et celles qui ont avec joie embrassé la foi chrétienne, comme la bienheureuse Kateri, et qui sont restés fidèles malgré nombre d’épreuves et d’embûches. Joseph Chiwatenwa [sic], son épouse Aonnetta [sic], son frère Joseph et d’autres membres de cette famille, qui ont vécu et se sont faits les témoins de leur foi avec héroïsme, occupent une place importante au sein de l’Église de la Huronie2 ». Si sainte Kateri Tekakwitha3 (1656-1680) est bien connue au Québec, il en va tout autrement de Joseph Chiwatenhwa (1602-1640) et de sa famille. Pourtant, il figure parmi les premiers autochtones convertis au christianisme en Huronie.
Une conversion exemplaire
On retrouve Chiwatenhwa à Ossossane (baie Georgienne en Ontario), village principal de la Huronie4, au sein du clan des Attignaouantans, également appelé clan de l’Ours. Les missionnaires jésuites5 s’y trouvent au début du XVIIe siècle pour convertir les Hurons-Wendat. « Entre 1632 et 1649, la mission la plus importante, en Nouvelle-France, est celle des Hurons. Alors que Montagnais et Algonquins, pourtant nomades, se laissent gagner et demeurent plus facilement chrétiens, les Hurons sédentaires semblent rebelles, et les conversions ne se font que bien lentement6. » Dans leur entreprise d’évangélisation, les missionnaires sont assistés par de nouveaux convertis. Parmi ceux-ci, un chasseur participant à la traite des fourrures du nom de Chiwatenhwa7 se démarque par sa foi inébranlable.
Chiwatenhwa prend le nom de Joseph lors d’un baptême le 16 août 1637, sacrement qu’il souhaite ardemment recevoir. À cette période, la région connaît une épidémie8. Lui-même atteint, gémissant de douleur entre la vie et la mort9, il renonce alors au rituel chamanique traditionnel de guérison. À la suite de son baptême et de son rétablissement10, il déclare : « Dieu, sans doute, disait-il, aura eu égard à ma résignation; maintenant donc, puisqu’il lui a plu me rendre la santé, je suis résolu de lui être très fidèle toute ma vie; je ferai en sorte que les autres le connaissent11 ».

Joseph embrasse sa nouvelle foi à bras-le-corps, dans une dévotion des plus édifiantes. Priant constamment, et par sa spiritualité et ses agissements, il est un exemple pour les siens, mais également chez les robes noires. Le père François-Joseph Le Mercier (1604-1690) le présente ainsi dans ses Relations en 1638 : « Dès lors, il ne nous promettait rien de médiocre, mais depuis, sa foi a été tellement éprouvée par la persécution et va tous les jours coopérant avec tant de fidélité aux grâces de Dieu, que si cette infinie miséricorde, qui l’a prévenu si avantageusement de ses bénédictions, lui donne la grâce de persévérer, il est pour servir de modèle à tous les croyants de cette nouvelle Église12. »
Suivant l’enseignement des Jésuites, Joseph se fait également leur pédagogue comme informateur linguistique. Il les initie à sa langue et les aide à concevoir un moyen de l’écrire. Il devient en 1639 administrateur de paroisse et prédicateur laïque : « Doués de vertus naturelles, de qualités chrétiennes acquises, ils (Joseph Chiwatenhwa, son frère Joseph Teondechoren13 et René Tsondiwane14) s’appliquent à convertir leurs compatriotes et à les diriger vers la religion chrétienne. De cette façon, ils développent le christianisme dans le cadre fixé par les missionnaires15. » Chiwatenhwa travaille conjointement avec les missionnaires jésuites en poste, notamment au côté de saint Jean de Brébeuf16 (1593-1649), prenant même la défense des robes noires lors de réunions où personne d’autre ne parle en leur faveur.
À la suite de Joseph Chiwatenhwa, sa femme Marie Aonetta est baptisée le 19 mars 1638. Le jour même, le père de Brébeuf bénit l’union du couple, célébrant ainsi le premier mariage chrétien en Huronie. Influencés par Chiwatenhwa, quelques membres de sa famille adhèrent à cette nouvelle religion et souhaitent recevoir le sacrement du baptême, dont son frère aîné Joseph17 Teondechoren qui, comme lui, devient prédicateur apostolique.
Une mort mystérieuse
Si les missionnaires étaient protégés dans la mesure où leur mort pouvait signifier la fin du commerce, Chiwatenhwa ne bénéficie pas d’une pareille sécurité18. Surnommé « le chrétien19 », il est martyrisé à coup de tomahawk par deux Iroquois20 pour sa foi en tant que chrétien huron le 2 août 1640. « Ce bon Joseph, tant signalé parmi les Hurons, n’eut pas plutôt commencé de prêcher Jésus-Christ à ses compatriotes qu’il se vit misérablement massacré dans une surprise de ses ennemis21. »
Après l’assassinat de Chiwatenhwa, plusieurs conversions surviennent, répondant ainsi aux souhaits des missionnaires : « Il est vray que nous esperions beaucoup de luy pour la conuersion de ces peuples, dont il s’estoit rendu Apostre durant le cours de cette année; mais puis que les Saincts ont plus de pouuoir lors qu’ils sont dans le ciel qu’icy bas sur terre, nous deuons croire que nous auons plus gaigné que perdu à sa mort. Nous verrons en son temps ce qu’elle produira22. » En 1649, Ossossane était devenu le premier village huron dirigé par une majorité chrétienne23.
Pour aller plus loin
- René Girard, Trois grands Hurons, Sudbury, La Société Historique du Nouvel-Ontario, 1948.
- Jean-Paul II, « Homélie du Pape Jean-Paul II au Sanctuaire des Martyrs canadiens, Midland, Ontario, Célébration de la parole », 15 septembre 1984 [PDF en ligne : https://www.cccb.ca/wp-content/uploads/2017/11/vatican_text-homelie_sanctuaire_des_martyrs_1984.pdf]
- Parcs Canada, « Lieu historique national du Canada des Sites-Ossonané », Annuaire des désignations patrimoniales fédérales [En ligne : https://www.pc.gc.ca/apps/dfhd/page_nhs_fra.aspx?id=446]
- Relations des Jésuites. 1637-1641. Tome 2, Montréal, Éditions du Jour, 1972.
- John Steckley, Joseph Chihoatenhwa : The Forgotten Martyr, Toronto, Liberal Arts and Sciences, Humber College. [En ligne : http://www.wyandot.org/jochiwa.htm]

Pascal Huot est chercheur indépendant. Diplômé en études autochtones, il a également effectué une maîtrise en ethnologie à l’Université Laval. Celle-ci a fait l’objet d’une publication intitulée Tourisme culturel sur les traces de Pierre Perrault, Étude ethnologique à l’Île aux Coudres. Ses résultats de recherche ont paru dans divers journaux, magazines et revues. En 2016, il a fait paraître Ethnologue de terrain aux Éditions Charlevoix.