En juin dernier, Marilyne et Jonathan, un jeune couple originaire de Québec, ont voulu rencontrer Mission chez nous avant d’entamer une grande aventure. Ils nous ont annoncé avec enthousiasme qu’après mûres réflexions, et à la suite d’un appel intérieur profond, ils se préparaient à partir en mission avec leurs deux enfants à Kuujjuaq et à prendre en quelque sorte la relève des responsables de la mission catholique du lieu. Nous avons été très émus de les entendre nous raconter leur cheminement et de constater la sincérité de leur engagement. À leur tour, ils ont été très heureux de sentir notre appui.
Partager une expérience
Aussi, ils n’ont pas hésité à accepter notre demande : celle de bien vouloir partager régulièrement avec nos lecteurs et lectrices, c’est-à-dire une fois par trimestre, leur expérience concrète durant leur séjour auprès de nos frères et sœurs de Kuujjuaq : adaptation, insertion dans la communauté, difficultés, élans, découvertes, rencontres, solidarités, etc. Nous les remercions grandement de leur générosité. Aujourd’hui, nous sommes donc très excités de publier de leurs nouvelles.
Soutenir leur engagement
Nous vous encourageons donc à revenir régulièrement sur notre site Web pour prendre de leurs nouvelles. De plus, ils seront très heureux, certainement, de lire vos commentaires au bas de la page. N’hésitez pas à leur apporter votre soutien et à leur manifester votre solidarité pour qu’ils puissent poursuivre si généreusement leur engagement auprès de la communauté de Kuujjuaq.
Leur deuxième lettre nous livre leur réflexion après avoir vécu leurs premiers mois à Kuujjuaq. La voici donc.
Kuujjuaq, le 23 novembre 2017
Si nous avions à résumer, en une expression, quel fut l’appel principal des premiers mois, nous pourrions le formuler ainsi : apprivoiser le temps… Et ce n’est pas seulement en ce qui concerne Internet, qui demande une patience vertueuse ! De fait, il nous semble que cet appel retentit dans toutes les sphères de notre vie à Kuujjuaq.
Si la lenteur d’Internet nous fait quitter les chemins de l’instantanéité, il n’en reste pas moins qu’elle représente une image de ce à quoi nous nous sentons invités dans ce nouveau milieu : consentir à prendre le temps… à ne pas filer à toute vitesse… à mettre en suspens les projets que nous avions envisagés… Cela est tout un déplacement pour nous, qui comporte son lot d’exigences. Mais surtout, qui nous introduit doucement dans un autre style de vie, aussi porteur de richesses. Par exemple, pour nous qui vivions au centre-ville de Québec, nous avons découvert les joies simples des petites excursions familiales de fin de journée sur les crêtes de Kuujjuaq, pour aller cueillir des baies et apprécier une bonne tisane tout en contemplant la beauté du territoire.
Oui, arriver dans un nouveau milieu de vie nous demande de prendre le temps. Nous avions déjà pu en expérimenter quelque chose durant nos quatre années vécues dans le quartier Saint-Roch, à Québec : c’est à partir de la troisième année que nous nous sentions vraiment faire partie du tissu communautaire et de la vie du milieu. Nous savions donc que ce projet missionnaire à Kuujjuaq ne ferait pas exception, d’autant plus que nous allions à la rencontre d’une autre culture. Une chose est de la savoir, mais autre chose est de le vivre ! L’expérience de la perte de repères, malgré son aspect stimulant et enivrant, demeure fondamentalement décapante ! Dans un contexte comme celui-ci, cela signifie laisser aller les repères que nous avions, tant sur le plan des habitudes de vie que sur celui de nos pratiques. Cela peut se traduire aussi simplement que dans la manière de faire l’épicerie : de fait, si le cargo n’a pas atterri et livré les denrées alimentaires, il se peut fort bien que tel ou tel repas soit reporté à la semaine suivante… il faut s’adapter ! Heureusement, nous avons eu la grâce de recevoir le soutien de tant de gens de la communauté, qui nous ont aidé (et nous aident encore !) à prendre peu à peu racine dans ce village. Leur générosité et leur accueil nous ont beaucoup touchés. Ce fut, et cela est encore, un véritable cadeau.
Durant ces premiers mois à Kuujjuaq, nous avons donc dû laisser aller des manières de vivre et de faire, certes, mais pour ouvrir un espace en nous pour accueillir l’autre, qui est à la fois de l’ordre des personnes, de la culture, du territoire. Le temps devient ainsi propice à l’écoute, à l’émerveillement, à la contemplation, à la gratuité. Cela nous invite à apprivoiser un autre rapport au temps, distinct de celui marqué par les impératifs d’efficacité et de rentabilité. Bref, une manière de vivre le temps qui privilégie la relation à soi, aux autres et à Dieu. N’est-ce pas ce que nous contemplons en Jésus lorsque nous lisons les évangiles ?
Ainsi, pour nous, l’appel à apprivoiser ce temps nous inscrit comme disciples à la suite et à l’école de Jésus humble et pauvre. Sur ce chemin, nous ne sommes pas seuls; il est bon de sentir le soutien de tant d’amis dans la mission, comme celui que tant de personnes nous ont manifesté en nous écrivant. Merci !
Marilyne et Jonathan