Recension du livre : Waubgeshig Rice (traduit par Marie-Jo Gonny), La cérémonie de guérison clandestine, Les Éditions David, 2019, 108 p. (Coll. « Indociles »).
par Pascal Huot
Les Éditions David, avec le concours du travail de Marie-Jo Gonny, poursuivent l’aventure et publient une seconde œuvre de l’auteur anishinaabe Waubgeshig Rice en traduction française. Le tandem ayant offert en 2017 le remarquable roman Le legs d’Eva (Legacy, 2014; voir l’article sur le blogue de Mission chez nous), la traductrice s’attaque cette fois au premier opus de Rice, le recueil de nouvelles Midnight Sweatlodge paru en 2011. L’auteur a reçu pour ce titre l’Independent Publishers Book Award, une reconnaissance prestigieuse et méritée.
Originaire de la réserve de Wasauksing sur les rives de la baie Georgienne en Ontario, l’auteur est bien au fait de l’environnement qu’il met en scène pour faire évoluer ses personnages dans une version de la vie de famille autochtone contemporaine. Dépossédés de leurs traditions ojibwées, le chaos rituel de la vie à la réz1 pour ces écorchés vifs est loin d’être facile. Les ravages sont multiples et se répercutent entre générations : alcoolisme, toxicomanie, violence, décrochage, corruption, suicide… Sans repère, cinq hommes et trois femmes entre la fin de l’adolescence et la fin de la vingtaine se retrouvent à minuit au cœur de l’hiver devant une humble hutte où les attend un homme assis à l’intérieur. L’ainé est là pour les accompagner dans cette cérémonie de guérison. « Nous sommes réunis ici ce soir parce que nous devons purifier nos esprits. Nous offrirons nos chants aux quatre directions et nous recevrons leur enseignement. Cela vous permettra de mieux comprendre qui vous êtes en tant qu’Anishinaabek. » (p. 13)
Tour à tour, il y a prise de parole. Une rencontre avec soi sous la sweat lodge2 traditionnelle qui ne se fait pas sans douleur, les nouvelles faisant le récit d’un épisode sombre de leur histoire personnel.
D’une incroyable dureté et d’une saisissante beauté, cet opuscule majeur est d’une grande force : un recueil de nouvelles dans le vrai sens littéraire du terme, simplement magnifique.
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- À la réserve.
- Hutte où a lieu la cérémonie de guérison.

Pascal Huot est chercheur indépendant. Diplômé en études autochtones, il a également effectué une maîtrise en ethnologie à l’Université Laval. Celle-ci a fait l’objet d’une publication intitulée Tourisme culturel sur les traces de Pierre Perrault, Étude ethnologique à l’Île aux Coudres. Ses résultats de recherche ont paru dans divers journaux, magazines et revues. En 2016, il a fait paraître Ethnologue de terrain aux Éditions Charlevoix.