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La Descente des Femmes, toponyme autochtone

Image en bandeau : Le village de Sainte-Rose-du-Nord, coin de pays autrefois nommé la Descente des Femmes
| Photo : Pascal Huot

Il n’est pas rare de voir la légende s’inscrire dans la toponymie populaire, jusqu’à perdre la trace originelle des faits qui l’ont engendrée. Un exemple éloquent se trouve sur la rive nord du fjord Saguenay, à Sainte-Rose-du-Nord.

Le magnifique petit village de Sainte-Rose-du Nord1, situé sur la rive nord du fjord Saguenay2, fut longtemps nommé La Descente des Femmes3, appellation qui a eu cours officiellement de 18014 à 19325. Si tous s’entendent pour dire que ce nom de lieu est tributaire des autochtones qui fréquentaient l’endroit, les circonstances à l’origine de cet intitulé demeurent cependant floues.

Le long d’une falaise escarpée, dans un relief particulier logé dans une cassure, avec des pentes accidentées menant à l’anse, des femmes montagnaises6 (innues) s’y seraient laissées glisser, soit par habitude ou contrainte. La tradition orale a retenu différentes interprétations, mais deux versions contradictoires reviennent le plus souvent pour expliquer l’utilisation d’un chemin aussi dangereux, « alors qu’il y avait bien d’autres moyens de se rendre à destination7 ».

La Descente des Femmes | Photo : Pascal Huot
La Descente des Femmes | Photo : Pascal Huot

Chemin de détresse ou d’excitation

La version la plus répandue8 témoigne que trois femmes innues, brouillées avec leurs maris violents, ont quitté leurs tentes durant la nuit. Au lieu de passer par le chemin habituel et sachant que leurs agresseurs pourraient les rattraper facilement, elles décident de se laisser glisser sur la pente de la falaise inclinée pour rejoindre les canots plus rapidement en bas et fuir en descendant le fjord.

La seconde version9 rapporte que des femmes innues attendant le retour des hommes qui rentraient de la pêche au saumon10, impatientes de voir les prises qu’ils ramenaient, allaient les rejoindre en se laissant glisser le long d’une pente pour arriver plus vite sur la rive11 et éviter ainsi d’emprunter un sentier tortueux et trop long.

Outre ces deux variantes, un nombre incalculable d’autres hypothèses existent pour expliquer ce toponyme. Selon les sources consultées, l’une des premières interprétations écrites soutient pour sa part qu’il « faut attendre en 1828, pour avoir une première définition de la signification de la Descente des Femmes. À ce moment, l’arpenteur Joseph Hamel explique dans le paragraphe consacré à ce lieu, que cette baie « doit son nom à une aventure mélancholique [sic] de plusieurs sauvages qui se trouvant réduits à la dernière famine en parcourant les bois pour faire la chasse, les quels se voyant ainsi réduits, envoyèrent leurs femmes pour chercher du secours, et c’est ici où elles sortirent12». Une autre version soutient une histoire tout autre, celle de la mort accidentelle d’une jeune fille13 de 9 ans qui tomba de la falaise. Il existe également celle qui est rapportée par Auguste Villeneuve, un résident de Sainte-Rose-du-Nord en 1935, version troublante et questionnable : « Il y a longtemps, plusieurs sauvagesses14 étaient parties de Chicoutimi et descendaient le Saguenay en suivant la rive nord; mais s’étant égarées dans les bois elles manquèrent de provisions […]. Se voyant ainsi prises de famine, elles devinrent folles et se précipitèrent les unes sur les autres pour s’entre-manger; mais tout en luttant ainsi pour leur subsistance, elles arrivèrent au bord du Saguenay et se précipitèrent dans l’abîme sans le voir. C’est pourquoi l’endroit fut appelé la descente des femmes15 ».

Les historiens et légendologues ne s’entendent donc toujours pas sur les circonstances à l’origine de ce toponyme. Le mystère demeure encore aujourd’hui…

Pour aller plus loin

  • Henri Dorion et Pierre Lahoud, « La Descente des Femmes », Lieux de légendes et de mystère du Québec, Montréal, Les Éditions de l’Homme, 2009, p. 140-145.
  • Municipalité de Sainte-Rose-du-Nord, « La Descente-Des-Femmes », Site web de la municipalité (En ligne : http://www.ste-rosedunord.qc.ca/fr/page/la_descente-des-femmes/).
  • Éric Tremblay, « Sainte-Rose-du-Nord au fil de l’eau », Saguenayensia, vol. 48, no. 3, juillet-septembre 2006, p. 3-9.

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