Dès le début de la pandémie, nos communautés ont cherché à se réinventer. Elles se sont rendu compte que le schéma traditionnel ne pouvait plus répondre aux besoins d’une Église menacée par un ennemi invisible… Comment vivre désormais en Église dans un contexte de confinement? Un défi que le père Ali Nnaemeka et son équipe doivent relever en particulier dans les missions de la Côte-Nord.
Cette préoccupation a poussé nos communautés innues à se poser la plus grande question que chaque communauté chrétienne devrait considérer : faire l’Église ou être l’Église? Autrement dit, contribuer à bâtir une Église ou une communauté préexistante qui se situe en dehors de nous ou devenir le signe même d’une Église vivante au sein de notre propre communauté. En nous inspirant de l’enseignement du pape François selon lequel les chrétiens sont eux-mêmes les porteurs de la mission, et l’église (le bâtiment), un hôpital de campagne, nous nous sommes mis à réfléchir sur la manière dont nous pouvons «être cette mission et cette Église vivante». Et aussi à la façon dont nous pouvons aider nos communautés à demeurer elles-mêmes signe de cette Église à partir de leur lieu de confinement.

Depuis plusieurs années déjà, nos communautés se servaient de différents moyens de communication sociale pour rester en contact avec des personnes à mobilité réduite ou d’autres pour qui il est impossible de se rendre à nos lieux de culte. Ainsi, la première démarche que nous avons effectuée a été de renforcer nos moyens de communication modernes et de permettre à nos membres de se familiariser avec cette nouvelle manière de faire afin que nos communautés chrétiennes puissent rester en lien. Nous avons commencé, d’abord, par leur présenter les différentes ressources disponibles pour établir des réseaux, telles que les radios communautaires, les pages Facebook de nos différentes communautés chrétiennes, les chaînes YouTube, etc. et, ensuite, établir parmi ces ressources celles qu’ils peuvent utiliser selon leur capacité pour pouvoir vivre les sacrements et les liturgies à partir de leur demeure.
Aussi, pendant la Semaine sainte, nous avons pu célébrer les diverses liturgies en favorisant la participation, à distance, de plusieurs membres de nos communautés grâce à ces technologies modernes.
Mais comme «être Église» demande davantage que la seule participation à la célébration des sacrements, nous avons donc essayé non seulement de rester en lien avec les membres de notre communauté mais aussi de les aider à devenir les acteurs principaux de nos missions. Pour ce faire, certains de nos confrères ont décidé de trouver des moyens pour entretenir concrètement les relations entre nous. Pendant que quelques-uns prenaient le temps d’aller saluer les membres de la communauté à travers leurs fenêtres, d’autres utilisaient les réseaux sociaux pour joindre les plus jeunes.
Devant cette nouvelle manière d’être Église, et le besoin de créativité missionnaire qui en a surgi, notre équipe missionnaire, regroupant des oblats travaillant dans différents milieux, en collaboration avec des membres, hommes ou femmes, de nos communautés chrétiennes, a dû aussi se questionner sur les méthodes à sa disposition pour mieux s’outiller afin d’être à la hauteur de cette forme d’Église naissante. Nous nous sommes mis à la recherche d’expériences passées semblables à ce que nous vivons actuellement. Ce qu’a vécu la première communauté de notre famille religieuse devant la menace du choléra en 1837 fut des plus éclairants pour nous.

Pendant le choléra de 1837 à Marseille, la congrégation des Missionnaires Oblat de Marie Immaculée a dû écourter son Chapitre général, et les missionnaires ont été renvoyés dans les missions pour être auprès de leur communauté. Lorsque la maladie menaçait de réduire la population marseillaise, les Oblats se sont montrés solidaires et braves.
Pendant ce temps de pandémie actuel, nos missionnaires se sont aussi montrés disponibles pour nos communautés. En plus de faire circuler entre nous les divers documents que nous avons trouvés, nous avons aussi établi, pour maintenir la vie communautaire dans une situation de pandémie, une rencontre (virtuelle) hebdomadaire de notre équipe missionnaire afin de partager nos expériences et de réévaluer nos moyens pastoraux.
Et aujourd’hui, nous continuons à réinventer nos approches missionnaires. En reconnaissant que la situation reste précaire, nous écoutons, avec attention, les consignes du personnel de santé de nos communautés tout en nous assurant d’être à l’écoute des besoins de nos communautés chrétiennes.

Ali Nnaemeka est membre de la communauté des Missionnaires Oblats de Marie-Immaculée. Originaire du Nigeria, le père Ali travaille actuellement à la mission Notre-Dame-des-Indiens, à Matimekosh-Lac John, près de Schefferville, et à la mission Saint-Georges de Mingan, à Ekuanitshit. Il fait partie de l’équipe missionnaire œuvrant dans les communautés innues et quelques autres paroisses de la Côte-Nord, qui font partie du diocèse de Baie-Comeau.