Avec le rapatriement de la Constitution, les autochtones du Canada trouvent un nouvel allié important. L’impact est notable, principalement sur le plan de leurs revendications avec le gouvernement fédéral. En effet, face aux pressions de l’Assemblée des Premières Nations et de différents groupes autochtones, on procède à l’ajout de l’article 35 à la Loi constitutionnelle de 1982. Les autochtones se voient enfin reconnaitre certains droits. Mais quels sont les véritables gains pour eux?

L’article 35 confère aux autochtones un cadre juridique pour négocier avec le gouvernement canadien. On y reconnait à l’alinéa 1 deux catégories de droits. Il y a d’abord ceux qui sont issus des droits ancestraux existants, notamment les droits territoriaux des autochtones qui n’ont pas été cédés par des traités et qui n’ont pas été éteints par une loi. La deuxième catégorie de droit concerne les accords signés par des traités. L’alinéa 2, pour sa part, précise que l’expression « peuples autochtones du Canada » désigne les Indiens, les Inuits et les Métis.
Cette première protection constitutionnelle permet aux autochtones de faire entendre leurs voix et empêche désormais le Parlement d’éteindre ou de modifier les droits des peuples autochtones de façon unilatérale et sans consultation, comme il pouvait le faire en vertu de sa souveraineté et de sa compétence sur les « Indiens et les terres réservées pour les Indiens » avec la Loi constitutionnelle de 1867.
Autre aspect des droits des autochtones, l’article 25 stipule pour sa part que les dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés ne peuvent servir pour usurper les droits des autochtones, dont ceux qui sont reconnus par la Proclamation royale du 7 octobre 1763 ou ceux qui sont issus de revendications territoriales. La Loi constitutionnelle de 1982 assure ainsi une sorte de préséance et de protection aux autochtones face aux droits et libertés garantis par la Charte. De plus, on a également stipulé dans l’article 37 qu’il devrait y avoir des discussions futures concernant les questions de l’identification et de la définition des droits autochtones qui seraient protégés par ladite Constitution.
À la suite de la conférence constitutionnelle, en accord avec l’article 37, deux alinéas sont ajoutés à l’article 35 lors de l’adoption de la Proclamation de 1983. Ceux-ci concernent les revendications territoriales, intimement liées aux droits de chasse, de pêche et de trappage, ainsi que l’étendue des droits aux personnes des deux sexes.
Malgré des avancées certaines pour les peuples autochtones, une certaine amertume demeure. Des imprécisions perdurent sur les droits protégés, sur la reconnaissance de leur autonomie gouvernementale ou encore sur l’assurance de la pérennité de leurs droits. De plus, il n’y a pas consensus devant la portée du mot traité ou de l’expression droits existants. Il revient donc à la Cour suprême d’apporter les précisions subséquentes. Au final, ce sont les tribunaux qui héritent de la tâche de définir et d’interpréter plus précisément l’application réelle de l’article 35.
Une grande victoire est cependant confirmée par l’arrêt Sparrow en 1990, cause où un autochtone pêchait sans suivre les dispositions de la loi. À sa défense, il allégua que le droit de pêcher est un droit ancestral protégé par un traité en vertu de l’article 35. La Cour suprême du Canada a confirmé que l’article 35 protège les droits non éteints au 17 avril 1982.
Pour aller plus loin
- Jane May Allain, Les droits de pêche ancestraux : Arrêt de la Cour suprême, Division du droit et du gouvernement, Parlement du Canada, octobre 1996 [En ligne : http://www.lop.parl.gc.ca/content/lop/ResearchPublications/bp428-f.htm ]
- René Morin, « La gouvernance provinciale à l’épreuve des droits des peuples autochtones : pour un fédéralisme équilibré », dans Ghislain Otis (dir.), Droit, territoire et gouvernance des peuples autochtones, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2004, p. 101-126.
- James O’Reilly, « La Loi constitutionnelle de 1982. Droit des autochtones », Les Cahiers de droit, vol. 25, no. 1, 1984, p. 125-144.

Pascal Huot est chercheur indépendant. Diplômé en études autochtones, il a également effectué une maîtrise en ethnologie à l’Université Laval. Celle-ci a fait l’objet d’une publication intitulée Tourisme culturel sur les traces de Pierre Perrault, Étude ethnologique à l’Île aux Coudres. Ses résultats de recherche ont paru dans divers journaux, magazines et revues. En 2016, il a fait paraître Ethnologue de terrain aux Éditions Charlevoix.