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Le monument Donnacona au parc Cartier-Brébeuf à Québec

Sur la rive nord de la rivière Akiawenrahk (Oria8enrahk, aujourd’hui Saint-Charles), le monument commémoratif de Jacques Cartier et du chef de Stadaconé, Donnacona, prend place dans le parc Cartier-Brébeuf dans l’arrondissement La Cité-Limoilou de la ville de Québec. Désigné comme Lieu historique national du Canada, le site souligne un moment important de l’histoire et rappelle l’aide offerte par les Iroquoiens de Stadaconé à l’équipage de Cartier.

Le parc Cartier-Brébeuf 1, hôte d’un hivernage historique

L’endroit marque l’histoire par un célèbre mouillage et un tragique hivernage. Lors de son second voyage au Canada en 1535-1536, l’explorateur français Jacques Cartier (1491-1557) et son équipage pénètrent plus avant dans le territoire et remonte le fleuve Saint-Laurent jusqu’à Stadaconé, village iroquoien2 situé près du confluent des rivières Saint-Charles et Lairet3.

Vue du site à partir de Google Maps

Cartier et sa centaine d’hommes4 sont les premiers Européens à passer toute la saison froide en Amérique du Nord. L’hiver est long et pénible. Le scorbut fait des ravages impitoyables auprès des compagnons de Cartier. Vingt-cinq hommes sont morts et les dernières forces quittent peu à peu les hommes encore debout. D’après le récit de Cartier5, celui-ci voit Domagaya, un des fils du chef Donnacona (1536-v. 1539), souffrir des mêmes maux que ses hommes. Pourtant, Domagaya se rétablit. Cartier lui demande son aide6. Domagaya lui concocte la tisane miracle, une décoction de feuilles d’annedda. Il s’agit en fait7 d’aiguilles de cèdre blanc bouilli offrant un apport massif de vitamine C. Sans l’aide des Iroquoiens, c’est sans doute l’ensemble de l’équipage qui serait décédé.

C’est sur ce même site que vient s’établir, quatre-vingt-dix ans plus tard, en 1625, la première mission de la congrégation des missionnaires jésuites, dont le père Jean de Brébeuf (1593-1649) fait partie. Le père Brébeuf est connu pour ses séjours chez les Autochtones et son martyre.

En 1958, le lieu est désigné pour son importance historique nationale par la Commission des lieux et monuments historiques du Canada à la suite d’une demande du premier ministre John Diefenbaker (1895-1979).

Dans les années 1980, le parc accueille une reconstitution d’une maison longue iroquoienne8 faite en écorce entourée d’une palissade. En 2007, celle-ci est démolie pour la réparation de la canalisation de la rivière Lairet. La maison longue ne sera pas reconstruite après les travaux. Sur les lieux, on trouvait également une réplique de La Grande Hermine mise en cale sèche, l’un des trois navires9 commandés par Cartier lors de son second voyage, mais elle est démolie depuis 200110.

Un monument illustrant les premiers contacts entre Européens et Autochtones

Situé dans le parc de l’Anse-à-Cartier, à l’extrémité est du prolongement du parc Cartier-Brébeuf, on trouve le monument commémoratif de Jacques Cartier et Donnacona. Intitulé Rencontre des deux cultures au XVIe siècle, il est inauguré le 11 octobre 1987. Il est constitué de deux stèles se faisant face. On y voit, dans les parties évidées, le profil de la silhouette du chef Donnacona qui accueille Cartier sur ses terres et dans l’autre celle du navigateur qui arrive de la rivière Oria8enrahk. Les parties pleines des stèles sont ornées de bas-reliefs. Sur celle de Donnacona en granit bleu Notre-Dame, on distingue une maison longue et des représentants iroquoiens et sur celle de Cartier en granit Stanstead, une ville européenne et des navires. Les deux stèles sont séparées par un bloc de granit rectangulaire au sol représentant l’océan Atlantique qui sépara les deux mondes.

Détail du monument | photo : Pascal Huot
Détail du monument | photo : Pascal Huot

La première plaque commémorative explicative sur Donnacona disparaît en décembre 1987. Une seconde plaque est dévoilée en 1996. Lors du passage de Mission chez nous en avril 2021, la plaque explicative trilingue installée par le gouvernement du Canada n’était plus apposée sur son socle.

Socle où l’on retrouvait la plaque commémorative | photo : Pascal Huot

Voici une reproduction du texte en français qui doit figurer au côté du monument11 :

Donnacona

Donnacona était le chef de Stadaconé, village
iroquoien de quelque 500 habitants situé près d’ici.
Ceux-ci pêchaient, chassaient et cultivaient le maïs.
En expédition de pêche dans la baie de Gaspé en
1534, Donnacona rencontra Jacques Cartier, qui
emmena ses deux fils en France. Cartier les ramena
en 1535 et passa l’hiver près d’ici. Désireux
de
contrôler le commerce sur le Saint-Laurent,
Donnacona l’accueillit. Mais Cartier s’empara de
lui et l’emmena en France, où il mourut.
Le ressentiment des Iroquoiens empêcha les
Français de fonder des colonies près de
Stadaconé dans les années 1540.


Commission des lieux et
Monuments historiques du Canada

Cette sculpture témoigne également du difficile rapprochement entre les deux peuples, maintenant une distance entre ces grands hommes. En effet, l’histoire retiendra de la rencontre entre les deux protagonistes les actes méprisables de Cartier qui a kidnappé Donnacona et ses deux fils. Lors de leur rencontre en 1534 à Gaspé, Cartier décide d’emmener en France Domagaya et Taignoagny, les fils de Donnacona, pour en faire des interprètes pour ses expéditions futures. L’année suivante, il revient en Amérique du Nord avec les deux Iroquoiens à son bord. À son départ en 1536, il récidive et enlève de nouveau les deux fils, mais cette fois il emmène également en otage Donnacona et quelques autres membres de la nation12. Cartier est très impressionné par le chef iroquoien : « L’histoire raconte que Donnacona a eu une grande influence sur le roi François 1er à qui il racontera « mille et un mensonges, affirmant qu’il y a de l’or et des ressources précieuses en grande quantité en Amérique » »13. En faisant miroiter ces richesses, le chef autochtone a probablement dit au roi ce qu’il souhaitait entendre afin d’assurer son retour. Et il devait encore espérer maîtriser le commerce entre Autochtones et Français une fois revenu chez lui. Comme le souligne l’anthropologue Gilles Bibeau dans son ouvrage Les Autochtones. La part effacée du Québec (Mémoire d’encrier, 2020), Donnacona avait clairement identifié la faiblesse des Français, en commençant par Cartier lui-même, soit ce « goût démesuré pour l’or et l’argent ».

L’homme déraciné ne reverra plus jamais les terres qui l’ont vu naître ni les siens. Il meurt en France, en Bretagne, dans des circonstances inconnues.

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1 Un parc urbain de 6,8 hectares.

2 « La plupart des historiens et anthropologues soutiennent que ces Iroquois sont un peuple aujourd’hui disparu (Les Iroquois du Saint-Laurent), alors que les Mohawks affirment que ces Iroquois sont leurs ancêtres », Denis Bouchard, Éric Cardinal et Ghislain Picard, « La rencontre des nations », De Kebec à Québec. Cinq siècles d’échanges entre nous, p. 35.

3 La rivière Lairet est maintenant canalisée et souterraine.

4 L’équipage était constitué de 110 hommes.

5 René Gilbert, Présence autochtone à Québec et Wendake, p. 78.

6 Certains historiens soutiennent que Cartier aurait plutôt obtenu l’information par la ruse.

7 On ne connait toujours pas l’identité réelle de l’essence de bois nommé annedda, mais les sources s’orientent généralement vers le cèdre blanc. Mais certains l’identifient plutôt comme étant le thuya occidental, l’épinette blanche, la pruche du Canada ou encore le sapin baumier.

8 Une première maison longue est construite en 1985. Elle est la proie de flammes criminelles la même année.

9 L’expédition en partance de Saint-Malo le 19 mai 1535 est constituée des trois navires, la Grande Hermine, la Petite Hermine et l’Émerillon.

10 L’on retrouve également sur le site diverses plaques commémoratives, panneaux d’interprétation, monuments, croix et sculptures.

11 Le texte de la plaque explicative est reproduit dans l’ouvrage de René Gilbert, Présence autochtone à Québec et Wendake, p. 80.

12 « Le 6 mai 1536, il (Cartier) quitta Stadaconé, ayant à son bord 10 Iroquois : le vieux Donnacona, ses fils Domagaya et Taignoagny, une fillette de 10 à 12 ans et 2 petits garçons que Cartier avait reçus en dons l’automne précédent, une fillette de 8 ou 9 ans que le chef d’Achelacy lui avait donnés, et 3 autres indigènes. La place était libre pour Agona. C’est seulement le 23 août 1541 que Cartier se présente de nouveau à Stadaconé ; il revient sans les indigènes qu’il a capturés cinq ans plus tôt. Il déclare à Agona, toujours chef de Stadaconé, que Donnacona est mort en France, que les autres y vivent comme de grands seigneurs, y sont mariés et n’ont pas voulu revenir : ce qui, naturellement, ne fait aucun chagrin au chef Agona. En réalité, des dix Iroquois, neuf étaient morts il ne restait plus qu’une fillette dont le destin nous est inconnu », Marcel Trudel, « Donnacona », Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1.

13 Denis Bouchard, Éric Cardinal et Ghislain Picard, « La rencontre des nations », De Kebec à Québec. Cinq siècles d’échanges entre nous, p. 35.

Pour aller plus loin

  • Denis Bouchard, Éric Cardinal et Ghislain Picard, « La rencontre des nations », De Kebec à Québec. Cinq siècles d’échanges entre nous, Montréal, Les Éditions des Intouchables, 2008, p. 34-40.
  • Parc Canada, « Lieu historique national du Canada Cartier-Brébeuf », Annuaire des désignations patrimoniales fédérales, (En ligne) : https://www.pc.gc.ca/apps/dfhd/page_nhs_fra.aspx?id=675
  • René Gilbert, « Le Parc Cartier-Brébeuf », Présence autochtone à Québec et Wendake, 2010, Québec, Les Éditions GID, p. 77-80.
  • Andrew Gregg (Scénario) et Gail Gallant (Réalisation), « Épisode 1. Au début du monde », Le Canada, une histoire populaire, Société Radio-Canada, 2000, (En ligne, abonnement) : https://curio.ca/fr/video/au-debut-du-monde-2545/
  • Nicole Ouellet, « Le parc Cartier-Brébeuf. Un lieu historique national », Cap-aux-Diamants, Hors série Limoilou, un siècle d’histoire, 1996, p. 11-12.
  • Jacques Portes, « Jacques Cartier », Encyclopédie du patrimoine culturel de l’Amérique Française, 2007, (En ligne) : http://www.ameriquefrancaise.org/fr/article-46/Jacques_Cartier.html#.YHRwmuhKg2w
  • Marcel Trudel, « Donnacona », Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1, Université Laval/Université de Toronto, 2003, (En ligne) : http://www.biographi.ca/fr/bio/donnacona_1F.html

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