Image en bandeau : Vue aérienne de la maison longue nationale Ekionkiestha’ [source]
et de la rivière Akiawenrahk à Wendake | Photo : Pascal Huot.
Nommé Nionwentsïo, qui signifie le « magnifique territoire », ses limites correspondent au « territoire historique principalement fréquenté par la Nation huronne-wendat au cours des siècles suivant le contact avec les peuples européens ».
Au début du XVIIe, les Hurons1 sont établis originairement dans la région des Grands Lacs, au sud-est du lac Huron (Ontario), où ils subissent les guerres iroquoises incessantes2. Environ cinq cents d’entre eux choisirent de s’installer à proximité de Québec en 16503. Après de nombreux déplacements, ils se fixent en 1697 à Wendake4. Cette installation définitive met « un terme aux déplacements périodiques de leur village. Le régime seigneurial était mal adapté à ces mouvements, puisqu’il balisait l’espace de droits qui empêchaient les Wendats de s’installer où ils le souhaitaient5».
Bien que sédentaires6 et pratiquant l’agriculture, les Hurons-Wendats s’adonnent néanmoins pour une bonne part de leurs activités de subsistance à la chasse et à la pêche. L’anthropologue Pierre Lepage précise qu’au moment de leur installation à Wendake, la « chasse devient alors plus importante pour les Hurons, qui s’y adonnent plusieurs mois par année, parcourant principalement les territoires situés entre le Saguenay et le Saint-Maurice7 ». Mais à partir du XIXe siècle, ils ont vu le rétrécissement progressif de leur zone de chasse.
Le Nionwentsïo
Nommé Nionwentsïo, qui signifie le « magnifique territoire », ses limites correspondent au « territoire historique principalement fréquenté par la Nation huronne-wendat au cours des siècles suivant le contact avec les peuples européens8 ». Le Nionwentsïo couvre la superficie comprise entre la rivière Saint-Maurice, près de la ville de Trois-Rivières, jusqu’au Saguenay en rejoignant au Nord les terres bordant immédiatement le sud du Lac-Saint-Jean. Ce territoire traditionnel huron-wendat comprend, entre autres, les réserves fauniques des Laurentides9 et de Portneuf, en plus de quelques parcs nationaux et certaines zones d’exploitation contrôlée (ZEC). Le Bureau du Nionwentsïo énonce sur son site Internet que c’est dans ce vaste lieu qu’ils « exercent leurs pratiques traditionnelles depuis des temps immémoriaux » et que « l’occupation du territoire constitue un geste d’affirmation des droits issus de traités essentiels pour la conservation de nos acquis10 ». Une telle occupation relève certes d’une activité traditionnelle, mais elle doit également être comprise comme un geste politique.

Le Traité Huron-Britannique
Le territoire du Nionwentsïo des Hurons-Wendats est protégé par le Traité Huron-Britannique de 176011. Ce traité de paix et de neutralité stipule que :
PAR LES PRÉSENTES, nous certifions que le CHEF de la tribu des HURONS, étant venu à moi pour se soumettre au nom de sa nation à la COURONNE BRITANNIQUE et faire la paix, est reçu sous ma protection lui et toute sa tribu; et dorénavant ils ne devront pas être molestés ni arrêtés par un officier ou des soldats anglais lors de leur retour à leur campement de LORETTE; ils sont reçus aux mêmes conditions que les Canadiens, il leur sera permis d’exercer librement leurs religions, leurs coutumes et la liberté de commerce avec les Anglais : nous recommandons aux officiers commandant les postes de les traiter gentiment12.
Ce traité rédigé par le général Murray a valeur constitutionnelle. Soumis à l’attention des tribunaux, il a été reconnu par une décision unanime rendue en 1990 par les neuf juges de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Sioui13. Mais celui-ci n’est pas sans controverse, car le juge Lamer a déclaré que :
« sa présence relativement récente dans la région de Lorette suggère » qu’ils « n’avaient pas possession historique de ces terres ». Telle est peut-être l’origine d’une croyance répandue selon laquelle un lien de continuité direct doit être établi entre les Autochtones d’aujourd’hui et les individus ont exercé des activités traditionnelles ou qui ont occupé un territoire dans le passé. Or il faut savoir que la jurisprudence concernant les droits ancestraux ou issus de traité a évolué14.

Rappelons que la Loi constitutionnelle de 1982 reconnaît à l’article 35 les droits ancestraux ou issus de traités des peuples autochtones. Et qu’en vertu du traité de Murray, la Cour suprême du Canada a reconnu aux Hurons-Wendats des droits territoriaux.
Depuis, le Conseil de la Nation huronne-wendat a créé avec le gouvernement du Canada une table de discussions pour établir la portée du Traité Huron-Britannique afin d’entamer des négociations territoriales avec le gouvernement du Canada et du Québec.
Pour aller plus loin
- Alain Beaulieu, Stéphane Béreau et Jean Tanguay, Les Wendats du Québec. Territoire, économie et identité, 1650-1930, Québec, Éditions Gid, 2013.
- Bureau duNionwentsïo, [En ligne : https://wendake.ca/cnhw/bureau-du-nionwentsio/]
- Renée Dupuis, « L’affaire Sioui : on découvre un traité », dans Tribus, peuples et nations. Les nouveaux enjeux des revendications autochtones au Canada, Montréal, Éditions Boréal, 1997, p. 45-56.
- Michel Gros-Louis et Benoît Jacques, « La toponymie et les droits territoriaux des Amérindiens : Le cas des Hurons de Wendake », Les Hurons-Wendats. Regards nouveaux, Québec, Éditions Gid, 2018, p. 77-96.
- Michel Morin, « Les insuffisances d’une analyse purement historique des droits des peuples autochtones », dans Ghislain Otis (dir.), Droit, territoire et gouvernance des peuples autochtones, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2004, p. 45-68.
- Denis Vaugeois (dir.), Les Hurons de Lorette, Québec, Septentrion, 1996.

Pascal Huot est chercheur indépendant. Diplômé en études autochtones, il a également effectué une maîtrise en ethnologie à l’Université Laval. Celle-ci a fait l’objet d’une publication intitulée Tourisme culturel sur les traces de Pierre Perrault, Étude ethnologique à l’Île aux Coudres. Ses résultats de recherche ont paru dans divers journaux, magazines et revues. En 2016, il a fait paraître Ethnologue de terrain aux Éditions Charlevoix.