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L’église de Mashteuiatsh, sous le patronat de Kateri Tekakwitha

Située sur la rive ouest du Pekuakami (nom ilnu pour nommer l’immense étendue d’eau que constitue le Lac-Saint-Jean), la réserve amérindienne de Mashteuiatsh est riche d’un passé spirituel autant autochtone que catholique. Son église témoigne avec fierté des caractéristiques de sa foi.

La visite de celle-ci est possible par l’entremise du Musée amérindien de Mashteuiatsh (http://www.cultureilnu.ca/), qui la voisine. Cette incursion dans l’histoire religieuse de la réserve sait charmer le visiteur, tout en lui faisant découvrir l’histoire de Sainte-Kateri-Tekakwitha.

Photos : Pascal Huot

L’histoire débute en 1875 lorsque les missionnaires de la communauté des Oblats de Marie-Immaculée, qui évangélisent depuis le milieu du XIXe siècle les Montagnais, décident de déplacer leur petite chapelle de la mission de Métabetchouan pour la transplanter à Mashteuiatsh. En 1901, on remplace par la suite la chapelle, devenue trop petite, par une nouvelle église. Malheureusement, le 12 mars 1986, elle flambe complètement sous une main criminelle, comme le déplore Pierre Larouche, superviseur de l’accueil et de l’animation au Carrefour d’accueil Ilnu et qui nous guide dans l’église actuelle construite en 1987.

Lors du grand feu, seulement trois objets ont pu être sauvés : un christ en croix, le tabernacle et une statue de sainte Anne et l’enfant. À l’origine, cette dernière était en bois recouvert de plâtre, mais avec le feu, le plâtre a fondu. Lors de la restauration de la statue, celle-ci a été laissée au bois naturel. Fait anecdotique, Pierre Larouche raconte : « À l’époque, on a perdu le petit doigt de Jésus. Les paroissiens ont essayé de le trouver un peu partout, malheureusement on ne l’a pas trouvé. Sauf le sculpteur qui l’a réaménagé, le petit doigt était tombé entre la mère et l’enfant. Est-ce un miracle ? »

Paroisse de Sainte-Kateri-Tekakwitha

Avant l’incendie, la mission était sous le patronat de Saint-Charles-Borromée, mais en 1987, alors que les Pekuakamiulnuatsh (les Ilnus, autrefois les Montagnais) reconstruisent l’église, l’évêché leur octroie le privilège de devenir une paroisse. Celle-ci sera sous le patronat de Sainte-Kateri-Tekakwitha (1656-1680), première autochtone d’Amérique du Nord à être reconnue comme sainte et béatifiée par le pape Jean-Paul II en 1980. Pour souligner son nouveau patronat, la paroisse a reçu en don une relique de la sainte, un os du sternum qui protégeait le cœur de Kateri.

L’église sera construite sous la direction de Charles Courtois, contremaître et sculpteur Ilnu, selon les plans de l’architecte de Dolbeau, Jean-Claude Leboeuf, avec l’aide de 28 des siens de la réserve et 4 Robervalois. Le tout est prêt pour célébrer la première messe dans le nouveau bâtiment le soir de Noël 1987.

L’extérieur de l’église est singulier. Outre le clocher détaché du bâtiment, on retrouve une arche située au niveau des marches à l’entrée de l’église. (Voir l’image chapeautant l’article.) Celle-ci rappelle l’ancienne église par son emplacement, mais elle symbolise également que pour entrer dans l’église chrétienne, il faut passer par l’église des anciens qui ont transmis leur tradition et leur foi. À l’entrée, on retrouve un vitrail à l’image de la sainte, réalisé par Marie-Eve Courtois et François Duciaume.

À l’intérieur du lieu de culte, on découvre plusieurs objets soulignant la spiritualité autochtone, notamment un prêt du conseil de bande qui a offert des chaises lassées en babiche d’orignal, dont celle du chef qui rappelle, comme le souligne notre guide, « la forme du hochet du chaman, mais aussi la cane de l’évêque ».

Une remarquable sculpture de Kateri, réalisée par le sculpteur Charles Courtois, est exposée au sein de l’église. La sculpture trône devant une grande toile représentant un chemin illuminé, réalisé par l’artiste ilnu Denis Blacksmith et conférant à l’ensemble une belle profondeur et une aura de petit sanctuaire.

On retrouve également un chemin de croix peint à l’acrylique sur bois de l’artiste ilnu Mireille Courtois, dont certains tableaux sont des plus originaux, car ils contiennent des détails inusités. Lorsqu’on observe celui du Cyrénéen aidant Jésus, il faut porter notre attention sur ses pieds chaussés de mocassins. « L’artiste a voulu imprégner sa culture à l’intérieur même » du chemin de croix. Autre liberté créatrice, elle a également vêtu plusieurs personnages de rose, dont Marie qui est généralement représentée en bleu.

La foi chrétienne et l’esprit amérindien se rejoignent dans une grande unité en ce lieu de culte. La visite permet également de mesurer l’étendue du rayonnement de Kateri dans cette communauté.

Pour aller plus loin

  • Denis Bouchard, Éric Cardinal et Ghislain Picard, De Kebec à Québec. Cinq siècles d’échanges entre nous, Montréal, Les Éditions des Intouchables, 2008, p. 192-193.
  • Bureau d’accueil touristique Carrefour d’accueil Ilnu et TVA, « J’aime la vie au Saguenay-Lac-Saint-Jean », [En ligne : https://www.quebecoriginal.com/fr-ca/fiche/information-touristique/bureaux/bureau-daccueil-touristique-carrefour-daccueil-ilnu-1074797]
  • Pascal Huot, Entrevue avec Pierre Larouche. Enregistrement sur support numérique, Mashteuiastsh, juin 2016. Collection privée. Une première version a été publiée dans Pastorale Québec, vol. 128, no 8, novembre 2016, p. 26.
  • Siham Jamaa, « Mashteuiatsh », dans Sur les chemins spirituels et religieux du Québec, Guide de voyage Ulysse, 2016, p. 211-213.

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