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L’indien malcommode

Recension du livre : Thomas King (traduction : Daniel Poliquin), L’Indien malcommode. Un portrait inattendu des Autochtones d’Amérique du Nord, Montréal, Les Éditions du Boréal, 2017, 318 p. (Coll. « Boréal compact »)

par Pascal Huot

La réédition en format compact de L’Indien malcommode (l’édition originale date de 2012, sous le titre The Inconvenient Indian : A Curious Account of Native People in North America) vient remettre à l’avant-scène un désormais incontournable et récompensé essai. L’auteur, un Peau-Rouge casse-pied (p. 9) y livre ses observations et sa pensée sur l’histoire et la réalité actuelle des « Indiens » en Amérique du Nord. « L’Indien malcommode regorge d’histoires, la base du récit est une série de conversations et de querelles que j’ai eues avec moi-même et avec d’autres pendant presque toute ma vie adulte » (p. 12), ajoutant que son approche tient plus de la technique romanesque que de l’historiographie. Le ton de l’ouvrage est ainsi donné. Avec ironie et humour, Thomas King expose les relations tendues, voire génocidaires, entre Blancs et Indiens, tant au Canada qu’aux États-Unis. Les institutions étatiques prennent également ici tout le blâme qui leur incombe, tel « un coyote [qui] essaie de convaincre une famille de canards qu’il a son intérêt à cœur » (p. 182).

Comme l’auteur ne s’encombre aucunement d’un fil conducteur chronologique, l’information y est livrée comme une conversation, où un foisonnement de renseignements, de faits et d’anecdotes personnelles révélatrices s’entremêle et s’entrechoque pour au final donner un ouvrage fouillé, érudit, important et surtout captivant à lire.

Un florilège de sujets déboulonnant les mythes et dénonçant les massacres mensongers y est abordé. Tout y passe : l’image stéréotypée hollywoodienne des Indiens, le pathétique canular d’Almo en Idaho, le Wild West Show, l’interprétation lyrique de la célèbre sculpture La Fin de la piste (End of the Trail) de James Earle Fraser, l’occupation d’Alcatraz, sans oublier de faire une macabre promenade sous les aurores boréales à Saskatoon.

Vu l’ensemble des informations colligées et des citations utilisées, il est certes dommage de n’y retrouver aucune référence bibliographique, une absence injustifiable pour un essai d’une telle portée, d’autant que l’auteur lui-même laisse planer un certain doute sur la véracité de son propos : « Je me trompe peut-être dans mes calculs » (p. 60), ou encore « Je peux me tromper, bien sûr » (p. 61). Le livre ne présentant aucune note de bas de page ni même de bibliographie à la fin, le lecteur doit croire sur parole l’auteur, lui qui, pourtant, dénonce les raccourcis historiques et les fabulations ou inventions de toutes sortes.

Nonobstant ce bémol, l’ouvrage mérite une lecture attentive. Thomas King dispose d’une plume singulière, d’un propos nécessaire et d’un humour indéniable, toujours à l’affût du comique dans les situations et les documents historiques. Un livre à lire pour comprendre réellement ce « que veulent les Indiens ? », ou plutôt devrait-on y lire : ce « que veulent les Blancs ? » (p. 245).

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