Le 2 juin dernier, à Trois-Rivières, avait lieu une marche en soutien à la famille de Joyce Echaquan. Ce rassemblement de plus de 2 000 personnes venait clôturer les audiences publiques tenues dans le cadre de l’enquête du coroner sur les circonstances du décès de madame Echaquan, survenu à l’hôpital de Joliette le 28 septembre 2020. Anne-Marie Forest, agente de pastorale pour le diocèse de Joliette oeuvrant notamment à la mission Saint-Jean-de-Brébeuf de Manawan, a participé à cette marche et nous partage ici son témoignage.
De bon matin, alors que je me préparais pour la marche organisée par la communauté atikamekw de Manawan en soutien à la famille de Joyce Echaquan, ma voisine est venue me porter une fleur d’iris mauve. Elle ne savait pas que cette couleur représentait Joyce symboliquement. Merci, Joyce! J’ai reçu cet iris comme un geste de confirmation d’amitié de ta part et un encouragement.
Mgr Louis Corriveau m’a envoyé un message, la veille, pour m’annoncer qu’il désirait aussi être présent. Nous sommes donc partis ensemble. Arrivés au Diocèse de Trois-Rivières, Mgr Pierre-Olivier Tremblay nous a dit qu’il se joignait à nous. J’étais touchée de leur geste solidaire dans ce contexte qui nous bouleverse toutes et tous et auquel s’ajoute la découverte des 215 dépouilles d’enfants retrouvées près de l’ancien pensionnat de Kamloops, en Colombie-Britannique.



Le départ a été donné après des prises de parole émouvantes. Les milliers de personnes réunies se sont mises en marche doucement. Le slogan « Justice pour Joyce » a été scandé jusqu’au port de Trois-Rivières. Cette foule de gens qui s’étaient déplacés de partout, et certains de très loin – pensons notamment au chef de la communauté d’Ekuanishit (Mingan), M. Jean-Charles Piétacho –, était impressionnante, en nombre mais surtout par la qualité de sa présence. Une présence marquée par la force et la douceur à la fois, aussi par l’affirmation visible des personnes autochtones, accompagnées du son, comme un seul cœur battant, des tambours traditionnels et des chants qui ont éclaté sur le parcours. Beaucoup de femmes portaient des jupes traditionnelles magnifiques, réalisées pour l’occasion et arborant les couleurs de Joyce.



Beaucoup d’enfants étaient présents dans des poussettes. Beaucoup de personnes âgées aussi, dans des chaises roulantes, témoignant d’une communauté qui fait corps et qui n’exclut personne!
Banderoles et pancartes réclamant la justice et la reconnaissance du Principe de Joyce étaient déployés, revendiquant entre autres le droit aux soins égaux dans leur langue, la reconnaissance et la fin du racisme systémique.


Voici un poème très touchant écrit par Carol Dubé, conjoint de Joyce, et diffusé le soir même sur sa page Facebook. Il m’a autorisée à le reprendre ici :
Quand ils t'ont fermé les yeux, Tu as ouvert les miens, les nôtres. On a tous prié Dieu Avec toute la nation humaine. Ensemble on a marché, Honoré de notre dernière marche nos aînés, Des femmes ont dansé, Des hommes ont chanté Avec des pleurs, des sourires Pour nous guérir. On m’a raconté le grand débarquement. Je vois le début du grand changement. Merci, Joyce, de ton action! L’ange, de toutes les nations, Tu resteras leur mère, La meilleure grand-mère. Notre grande guerrière Notre grande lumière Pour le monde entier Avec notre plus grand respect Avec notre plus grande paix On t'aime, Joyce. – Carol Dubé, conjoint de Joyce Echaquan
Une enseignante d’Opitciwan, madame Laurye-Danyelle Petiquay, nous a aussi fait part de ces pensées inspirantes et pleines d’espérance, qu’elle me permet de vous citer :
Je ne peux m’empêcher de penser à mon papa qui maintenant nous a quittés! Effectivement, beaucoup de nos aînés, de nos familles ont connu les pensionnats. Je suis fière de ma culture et de ce qu’elle représente! Les pensionnats nous ont laissé des traces, mais n’ont pas réussi à nous détruire! Je crois sincèrement que notre futur peut être florissant et épanoui : s’entraider, s’encourager, être unis. Ensemble, nous pouvons réussir de grandes choses : nos ancêtres, nos aînés et nos parents se sont battus pour nous donner un meilleur avenir et je vais continuer sur cette voie pour que leurs efforts ne soient pas vains.
Laurye-Danyelle Petiquay
.
Moi aussi, je veux vous dire, chers membres de la communauté de Manawan, chers membres des Premiers Peuples : nous vous aimons, nous désirons mieux vous connaître, apprendre et nous laisser convertir par votre sagesse. Votre relèvement sera aussi le nôtre, en humanité et en frères et sœurs d’un même Père et Créateur.
Je reprends ici les mots du pape François : « Nos prières timides s’appuient sur des ailes d’aigles et s’élèvent jusqu’au Ciel. »
Chère Joyce, porte nos prières de réconciliation et de guérison vers le ciel.
____________________
Anne-Marie Forest est artiste et agente de pastorale. Née en France, elle vit au Québec depuis 39 ans. Elle étudie les arts aux Écoles des Beaux-Arts de Lyon et de Paris. Formée en théologie à l’Institut de pastorale des Dominicains à Montréal, elle chemine aussi avec l’accompagnement de jésuites, dans la spiritualité de saint Ignace de Loyola. Elle travaille comme illustratrice pendant plusieurs années et réalise des peintures murales dans plusieurs églises de Montréal. Depuis 2010, elle s’engage au sein de plusieurs communautés en régions éloignées et en territoires autochtones.
____________________
1 Commentaire
Gisèle Turcot
C’est paradoxal: une tragédie donne naissance à tout un mouvement de sympathie, de solidarité, un mouvement qui peut engendrer une transformation.
Cela m’aide à croire à la bonté intrinsèque du coeur humain, ancrée dans le Coeur du Dieu créateur et de l’Esprit qui guérit, renouvelle.
Merci à toutes les Joyce.