Depuis quelques années déjà, Mission chez nous fait appel à quelques collaborateurs et collaboratrices pour la rédaction d’articles originaux que nous publions pour votre plus grand plaisir sur notre blogue. Merci à eux pour cet apport considérable.
par Brian McDonough

Brian McDonough a travaillé dans des communautés de l’Arche, a complété des études de droit à l’université McGill, avant de devenir en 1984 membre du Barreau du Québec. En 1995, il fonde l’Aumônerie communautaire de Montréal, organisme qui accompagne dans leurs démarches d’intégration à la société des personnes ayant connu l’incarcération, et ce, dans une perspective de justice réparatrice. La même année, il devient aussi directeur de l’Office de la pastorale sociale du Diocèse de Montréal, poste qu’il occupe jusqu’en juillet 2018 et qui lui permet de collaborer étroitement avec des organismes communautaires de lutte contre la pauvreté et d’autres formes d’exclusion sociale. En 2012, il fera partie du comité consultatif régional de la Commission de vérité et de réconciliation sur les pensionnats autochtones. Depuis 2001, Brian enseigne au département des études théologiques de l’université Concordia. Il donne aussi des cours dans plusieurs autres institutions. La Mission Saint-François-Xavier à Kahnawake est sa communauté chrétienne d’adoption, où il continue de tisser des réseaux d’amitié. Enfin, pendant plusieurs années, il sera modérateur du comité organisateur des sessions Retour à l’Esprit au Québec. Brian est aussi père de quatre enfants et grand-père de quatre petits-enfants.
Lors des audiences de la Commission de vérité et réconciliation au sujet des pensionnats autochtones, des membres de communautés religieuses ainsi que des représentants d’instances de l’Église catholique ont été durement interpellés par les témoignages d’anciens pensionnaires. Dans son rapport final, la Commission a livré une analyse très critique du rôle des Églises dans toute l’histoire des pensionnats, mais elle a aussi défini des pistes concrètes qui contribueraient à guérir les torts du passé et nous permettraient d’avancer sur le sentier de la réconciliation.
Le 19 mars 2016, en réponse aux appels à l’action formulés par la Commission, quatre entités catholiques – la Conférence canadienne des évêques catholiques (CECC), le Conseil catholique autochtone du Canada, la Conférence religieuse canadienne et Développement et Paix – ont demandé aux catholiques du pays de s’approprier sept engagements « dans l’espoir et le but de continuer à cheminer avec les peuples autochtones pour édifier une société plus juste où seront cultivés et honorés leurs dons et ceux de toute la société ». Trois ans plus tard, il serait bien de voir où nous en sommes quant à ces engagements et de faire état de ce qui a été réalisé concrètement jusqu’à maintenant et des lacunes encore présentes.
Le premier engagement invitait les établissements d’enseignement et les programmes de formation catholiques à présenter l’histoire du Canada de manière véridique et à rendre compte correctement de l’expérience des peuples autochtones. Certains départements d’études religieuses d’universités québécoises offrent maintenant des cours qui revoient la manière de raconter l’histoire et font une lecture corrigée de notre passé partagé. Le Réseau œcuménique pour la justice, l’écologie et la paix (ROJEP) offre aussi un « exercice des couvertures » pour sensibiliser des non-autochtones à l’impact de la dépossession territoriale des autochtones depuis plusieurs siècles. Cet exercice se fait au sein d’organismes communautaires, dans le cadre de cours universitaires et dans des groupes d’Église. Serait-il envisageable de le proposer et de le réaliser dans d’autres réseaux?
Le deuxième engagement visait les centres de formation du clergé et des intervenants pastoraux afin de promouvoir une culture de la rencontre et de faciliter l’étude de l’histoire des missions canadiennes, avec leurs forces et leurs faiblesses. À ce propos, on constate que certains diocèses ont invité leurs intervenants pastoraux à participer à des sessions poursuivant cet objectif. Plusieurs sessions du programme Retour à l’Esprit, qui nous permettent de raviver notre potentiel intérieur en vue d’explorer nos relations avec les autochtones, ont déjà été vécues dans des diocèses du Québec, notamment à Montréal et à Baie-Comeau.
La promotion d’une réflexion autochtone au sein de la communauté catholique constitue le troisième engagement. En plus des sessions Retour à l’Esprit déjà mentionnées, il faut souligner les initiatives mises en place par des groupes autochtones pour raconter leur version de l’histoire du Canada, réfléchir au rôle des missionnaires et à leurs contributions et formuler leur relation avec l’Église aujourd’hui. Le Centre d’interprétation de la vie de sainte Kateri Tekakwitha à Kahnawake incarne cet engagement. En même temps, il offre à des pèlerins autochtones et non-autochtones la possibilité de se familiariser avec la culture mohawk.
De même, les rencontres interculturelles et spirituelles organisées au Sanctuaire Notre-Dame-du-Cap, à Trois-Rivières, grâce à la collaboration entre les Oblats et l’organisme Espace Art Nature, constituent une autre belle réussite qui contribue à réaliser ce troisième engagement. Ces rencontres offrent la possibilité à des personnes autochtones – et certaines venues de très loin – d’exprimer leur foi et leur questionnement.
Bien entendu, le pèlerinage annuel à Sainte-Anne-de-Beaupré fournit une autre occasion unique à des communautés autochtones d’affirmer leur foi catholique, dans le respect de leurs traditions et de leurs identités culturelles.
D’autres engagements énoncés le 19 mars 2016 incitent les membres de l’Église à appuyer les communautés autochtones dans leurs efforts pour améliorer l’accès à des soins de santé et à des services sociaux, et aussi pour soutenir des programmes de justice réparatrice et des services pastoraux dans les établissements carcéraux. De plus, la promotion des approches autochtones en ce qui a trait à la toxicomanie, à la délinquance et à la violence pourraient contribuer à corriger la surreprésentation actuelle des personnes autochtones dans le système de justice pénale. Il est difficile de préciser à quel point des catholiques autochtones ou non autochtones se sont engagés à relever ces défis énormes, mais il ne faut pas cesser de rappeler l’urgence de ces besoins.
Comme citoyens ou citoyennes, nous attendons le rapport final de l’enquête nationale sur la disparition et l’assassinat de femmes et de jeunes filles autochtones. Il revient à nous tous – que l’on soit évêque, religieux, religieuse, prêtre, diacre, laïque – de travailler à assainir notre société pour que les personnes les plus vulnérables y soient protégées et respectées. Dans nos milieux de vie ou nos lieux de travail, que faisons-nous pour lutter contre les préjugés qui créent un climat propice à l’exploitation et à la violence?
Un des engagements proposés visait à sensibiliser les catholiques à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Déjà en 2010, quand le Gouvernement du Canada a annoncé qu’il appuierait cette déclaration, Mgr Pierre Morissette, alors président de la CECC, avait signé une lettre commune exhortant le Gouvernement à travailler en partenariat avec les peuples autochtones sur une façon respectueuse d’avaliser et de mettre en œuvre cette déclaration. Celle-ci reconnaît, entre autres, le droit des peuples autochtones à l’autonomie gouvernementale et à leurs propres institutions, le droit à un processus équitable dans le règlement des revendications territoriales, le droit de pratiquer et de manifester leurs coutumes et leurs traditions spirituelles, et le droit de préserver leurs langues.
Sachant cela, que pouvons-nous faire, en tant que gens d’Église, pour faciliter la mise en pratique des principes formulés dans cette déclaration? La première chose serait de se familiariser avec son contenu, d’en connaître son origine et sa raison d’être. À cette fin, une journée d’étude, organisée en collaboration avec des partenaires œcuméniques, a permis d’entendre des aînés autochtones à ce sujet et de mieux en comprendre les enjeux.
À ce sujet, Mission chez nous aimerait, bien entendu, en connaître davantage sur les initiatives que vos milieux ont mis en œuvre pour réaliser ces engagements. Aussi, n’hésitez pas à nous faire connaître vos bons coups et vos questionnements, et à partager avec nous vos rêves d’une Église qui aurait, comme le souhaite le pape François, un visage authentiquement autochtone.