Nous vous présentons ici, en exclusivité, le récit de voyage tout récent que nous ont transmis deux prêtres du diocèse de Saint-Jérôme de passage chez des Algonquins en Abitibi les 23, 24, 25 et 26 septembre 2015. Première de trois parties.
Après la visite de sœur Renelle Lasalle au souper Mission chez nous du diocèse de Saint-Jérôme en 2014, les membres du Comité de la pastorale missionnaire de ce même diocèse ont formulé le projet de rendre visite aux Algonquins et Algonquines de l’Abitibi. Une approche fut faite auprès de sœur Renelle qui a trouvé l’idée très intéressante. Après discussion et échange, nous, Jean-Pierre Joly et Michel Forget, deux prêtres du diocèse de Saint-Jérôme, avons pris les mesures pour pouvoir réaliser ce projet. Nous sommes partis de Sainte-Adèle, le mercredi 23 septembre 2015 à 8 h et nous sommes arrivés dans l’après-midi après avoir dîné au Domaine dans la réserve faunique de la Vérendrye. Nous avons pris près de 6 heures pour arriver à la réserve algonquine du lac Simon.
Lac Simon ou Anishnabe Aki (23 septembre 2015)
Population : 1583 résidants
Nous avons été très bien accueillis par sœur Renelle. Nous avons fait le tour du village pour nous retrouver près du magnifique lac Simon que nous avons contemplé un bon moment. Nous avons écouté sœur Renelle nous parler des gens de la réserve du lac Simon. Nous avons noté la réalisation de beaux projets dans cette communauté. Tout comme à Pikogan et à Kitcisakik, des Algonquins furent formés pour bâtir eux-mêmes les maisons dans la réserve : menuisiers, électriciens, plombiers, etc. Une école secondaire fut construite pour la formation générale. L’ajout de la formation de métiers a eu un impact très positif chez les jeunes sur le plan de la diplomation… cette école est reconnue au Québec comme une très bonne école. La revue Actualité, quelques jours avant notre visite, avait publié ceci à propos de cette école : « Alors que son taux de diplomation était quasi nul il y a sept ans, l’école secondaire Amik-Wiche a presque enrayé le décrochage scolaire. La clé du succès? La création d’une mini-entreprise. » Une résidence de personnes âgées de 9 grandes chambres avec salle de bain privée a été construite il y a 6 ans. Une épicerie Bonichoix et une très belle salle communautaire a ouvert ses portes depuis un an. La salle sert pour toutes sortes d’activités dont le bingo; elle est très bien entretenue et administrée.
Nous avons soupé avec sœur Renelle, heureuse de pouvoir manger du blé d’inde frais et des fraises de l’île d’Orléans que nous avions apportés en plus de tout ce dont nous avions besoin pour les repas lors de notre séjour. Monique et son neveu Alfred, Algonquins, se sont joints à nous pendant le repas. Nous avons échangé ensemble. En fin de soirée, nous avons pris une bonne nuit de repos au presbytère.
Le lendemain matin, nous avons déjeuné ensemble et nous avons marché dans le village. En compagnie de sœur Renelle, nous nous sommes rendus au cimetière, situé sur les rives du lac Simon. Extérieurement, il apparaît en désordre, mais nous y sentons un grand respect pour les défunts. Comme il n’y a pas de divisions de lots, ils enterrent le défunt ou la défunte là où ils lui trouvent une place, et ils déposent le corps en terre de manière à ce que la tête soit orientée vers le lac. Sœur Renelle nous raconte comment les rites funéraires sont importants pour les Algonquins : longues veillées habitées par le silence et, à l’église, présence et participation de la communauté qui s’y rassemble en très grand nombre. Elle ajoute qu’un nouveau cimetière a été instauré à Kitcisakik, mais demeure encore vacant parce que personne ne veut être enterré loin de sa famille. Les gens veulent « dormir » près des leurs. Présentement, il n’y a que trois enfants morts-nés dans le nouveau cimetière, mais bonne nouvelle, un aîné a demandé à être enterré là. Cela pourrait changer la donne. Elle nous informe que dans une réserve indienne, les gens ne sont pas propriétaires de leur maison; elles appartiennent à la Couronne et sont gérées par le Conseil de bande. Cela explique le peu d’intérêt à les entretenir : pas de plantation d’arbres, de pelouse, de fleurs, sauf dans les nouveaux secteurs. Il y a beaucoup de graffitis sur les maisons, beaucoup de vitres brisées au point que le Conseil de bande engage un réparateur de vitres. Un chiffre apparaît souvent peint sur les maisons et les édifices publics : le chiffre 187, servant à identifier un groupe hip hop populaire chez les gangs de rues de Québec et de Montréal; alcool et violence y trouvent racine.
Soeur Renelle nous raconte qu’un père oblat avait fait un très beau travail parmi les Algonquins du Lac Simon et de Kitcisakik; il était très apprécié et aimé. Mais, un jour, il fut arrêté et emprisonné pour des agressions sexuelles auprès de jeunes; la réaction fut celle d’un rejet massif de l’Église catholique. Certains aînés n’ont pas cru aux accusations portées contre ce religieux. Selon sœur Renelle, ils se disent : « Si c’est vrai, nous lui pardonnons, car nous avons fait pire… » Il reste que la situation des abus sexuels par des religieux a fait beaucoup de mal et laissé des traces vives. Ce sont ces aînés qui constituent le cœur de la communauté chrétienne du Lac Simon. Depuis 5 ans, plusieurs jeunes adultes ont recommencé a demander le baptême pour leurs enfants et la confirmation pour eux-mêmes.
Depuis les années 1990, les « traditionalistes » ont recommencé à pratiquer leur religion traditionnelle en public au Lac Simon et à Kitcisakik. Cela provoque une certaine méfiance de la part des catholiques qui jugent ces pratiques rituelles comme étant « diaboliques »…
Nous avons célébré l’eucharistie en présence de sœur Renelle en partageant sur les textes de la parole de Dieu… une excellente occasion de remercier le Seigneur pour l’expérience que nous vivons. Sœur Renelle nous a bien informés qu’elle n’était pas la responsable de la communauté chrétienne du Lac Simon et de Kitcisakik; ce sont deux dames algonquines, Monique et Bella, qui assument la responsabilité de la communauté chrétienne. Après le dîner, nous nous sommes préparés pour nous rendre dans une autre réserve algonquine au nord d’Amos – Pikogan – pour participer à une rencontre sur la spiritualité algonquine. Nous nous sommes d’abord rendus à Val d’Or, situé à environ 30 minutes du lac Simon. Nous avons fait un bref tour de la ville; nous y avons vu une petite mine d’or à ciel ouvert comparée à celle de Malartic qui fait 3 km de long. Puis, nous nous sommes rendus à Amos (à une heure de route) où nous avons visité cette magnifique cathédrale unique en Amérique du Nord. Cette structure de style romano-byzantin est une véritable œuvre d’art avec ses mosaïques, son marbre d’Italie et ses verrières françaises. Nous avons soupé ensemble à la rôtisserie Beau Coq d’Amos; après le souper, nous nous sommes dirigés vers Pikogan qui est situé à 2 km d’Amos…
Michel Forget et Jean-Pierre Joly, prêtres
Diocèse de Saint-Jérôme, le 6 octobre 2015
À suivre dans le prochain billet.
Prochaine partie : Pikogan (24 septembre 2015)