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Récit d’une préparation à la première communion

Image en bandeau : Maisons de Kitcisakik | Photo : Mathieu Lavigne

Du 13 au 22 août 2022, Sébastien Lafontaine, son épouse et leurs trois enfants ont décidé de participer à un camp au Grand Lac Victoria pour entrer en communion véritable avec la communauté anicinabe du lieu et vivre une présence signifiante avant de s’engager à plus long terme au sein de cette communauté.

Nous sommes la famille Lafontaine, d’un peu partout au Québec, et même d’ailleurs : Québec, Bas-Saint-Laurent, Val-Paradis et d’Abitibi, sans parler de Normandie et d’Écosse. Nos ancêtres sont multiples et nous en connaissons si peu. Comme nous sommes nés en Abitibi, le désir de connaître des Algonquins a mûri dans mon cœur et celui de mon épouse. C’est à la suite d’une longue réflexion et d’un apprivoisement tranquille que nous avons participé cet été, du 13 au 22 août 2022, – avec nos trois enfants – au camp de préparation à la première communion, à la presqu’île du Grand-Lac-Victoria. Quelle belle aventure !

Nos voisins autochtones

Le site ancestral du Grand Lac Victoria est situé à environ 100 km au sud de Val-d’Or. Entouré des eaux de la rivière des Outaouais qui coulent vers le fleuve Saint-Laurent, le village est constitué d’une trentaine de cabanes en bois rond, de deux « bécosses », d’une grande salle, d’un puits collectif, d’un presbytère, d’un quai, de quelques génératrices et d’une chapelle vieille de plus de 150 ans. Haut lieu de rassemblement estival des Anicinabek pendant plusieurs siècles, le village est fréquenté par quelques familles au fil des belles semaines d’été. Depuis 2010, des allochtones de différents coins du Québec viennent y séjourner pour se rapprocher de ces autochtones chaleureux. Fait surprenant, très peu d’allochtones d’Abitibi y ont séjourné.

Départ pour le Grand Lac

Samedi le 13 août 2022, vers 13 h 30, je pars en canot du lac Dozois avec ma fille de 6 ans et mon fils de 3 ans. Un trajet de 15 kilomètres sur la rivière des Outaouais nous mène au village de la presqu’île, à l’embouchure du Grand Lac Victoria. Les enfants jouent dans le canot et le petit dort un peu. Bien sûr, je suis seul à avironner. Avec un vent de face, nous arrivons à la presqu’île peu avant 19 h. Nous sommes accueillis chaleureusement par notre équipe du camp de communion : Monique et son neveu Alfred, sœur Renelle et sœur Rita.

Un camp de catéchèse pour la première communion ou un camp de communion pour une première catéchèse

Notre groupe rassemble six enfants, cinq parents, deux religieuses et une kokom. L’équipe d’animation est forte d’un riche contenu catéchétique élaboré au fil des ans par sœur Renelle et adapté aux réalités de la communauté. Monique et Alfred incarnent la sagesse de ce peuple, le lien avec les ancêtres. Isabelle et Sébastien insistent pour qu’il y ait des temps libres et informels : la recette est simple, nous désirons vivre la communion davantage qu’en parler !

Camp de préparation pour la première communion
Camp de préparation pour la première communion | Photo : Sébastien Lafontaine

Des journées pleines de vie

La journée commence par un temps de recueillement au bord du lac, animé par Monique. Elle nous partage bien simplement sa façon d’entrer en relation avec le Créateur et comme son peuple le faisait. Après avoir contemplé et remercié le Créateur, son grand-père Jean-Baptiste se lavait la figure avec de l’eau du lac. Monique commence aussi par la contemplation et la louange, mais fait le signe de la croix avec de l’eau du lac pour manifester son baptême. Le troisième matin, quelqu’un qui a personnifié Jésus en personne nous a enseigné à prier le Notre Père. Toutes ces étapes, vécues au fil des jours, en viennent à constituer notre façon de prier à nous, à chacun et chacune; au bord du lac, chrétiens et chrétiennes, allochtones et autochtones formant un seul Corps, plutôt vécu qu’enseigné. C’est une belle occasion pour notre groupe de vivre un premier moment de communion.

Les matinées sont marquées par des scènes bibliques jouées par de grands acteurs ! Un papa joue Abraham, la grande de 6 ans, Zachée, un grand de 13 ans, un ange messager, ou l’apôtre Pierre… Chaque avant-midi, après le sketch qui présentait le thème du jour, les participants et participantes vivent un échange sur la Parole choisie. L’équipe a été très touchée de la profondeur des prises de parole. Encore une belle expérience de communion !

Des enfants colorient des personnages bibliques
Des enfants colorient des personnages bibliques | Photo : Sébastien Lafontaine

Chaque famille a sa cabane désignée où elle loge et prend les déjeuners et les soupers. Les dîners sont pris en commun dans la cuisinette de Monique et des volontaires aident à la préparation du repas. Les après-midis sont des périodes libres. Dans notre groupe, il y a des amateurs de pêche. Quel bonheur d’observer ces princes du quai. L’anecdote qui suit offre un bel exemple de ce que permet un séjour pour intégrer les réalités de la vie en Dieu. Un de nos pêcheurs, 10 ans, invitait son collègue de 13 ans à prolonger sa pêche sur le quai. Ce dernier hésitait et lui lance le défi : « Si tu attrapes un poisson je vais rester ! » L’autre se hâte de lancer sa ligne en priant Jésus, dans l’espoir de garder son ami auprès de lui. Quelques secondes suffirent pour qu’un petit doré s’accroche et apparaisse hors de l’eau, au bout de la ligne. Il n’en fallait pas plus pour que les compagnons se remettent à l’œuvre, canne à pêche en main.

Alfred a eu la gentillesse de nous conduire à la plage au sud du Grand Lac avec son beau grand bateau. Une magnifique pointe de sable baignée de soleil s’offrait aux amusements et à la détente.

Parmi les activités marquantes il y a eu le Super Quiz dans la grande salle. Parents et enfants ont participé avec beaucoup de joie. Si quelque tension apparaît au sein du groupe, quoi de mieux que la « guimauve du pardon » ? C’est sœur Renelle qui, ayant remarqué un petit quelque chose à régler, a eu l’idée d’un feu de camp où l’on offre une guimauve bien grillée en réparation d’un geste offensant. L’activité fut grandement appréciée et le plus jeune, 3 ans, s’est même découvert un nouvel enthousiasme pour le pardon !

Des expériences de recueillement et de partage

Outre la prière du matin, les participants et participantes ont pu se recueillir en lisant la parole de Dieu en duo parent-enfant. Pour approfondir le sens de la communion tel qu’il est enseigné par Jésus, nous avons vécu l’expérience du lavement des pieds dans la grande salle avec nul autre que Jésus « en personne » ! Il y a de ces gestes qui peuvent impressionner et intriguer. Avec la présence de l’Esprit Saint, nous avons confiance que l’enseignement fera son chemin dans le cœur des enfants et des parents. Le vendredi, nous avons vécu un chemin de croix. Nous avons d’abord pris la croix orange, fabriquée l’été dernier pour souligner les sépultures des enfants autochtones découvertes dans l’ouest du pays et l’avons décorée en y imprimant nos mains et nos pieds avec de la gouache noire. Ce geste fort significatif nous a permis de comprendre que le Corps du Christ est fait des souffrances des autochtones. Le groupe cheminait d’une cabane à l’autre. Alfred portait la croix et priait pour les anciens qui avaient occupé les lieux tout en méditant sur les souffrances de notre époque : consommation, violence, abus, souffrances des gens de Lac-Simon et de Kitcisakik… En soirée, la croix fut installée sur la façade de la chapelle Sainte-Clotilde.

La croix orange
La croix orange | Photo : Courtoisie de Sébastien Lafontaine

Une épreuve vécue ensemble

Étant arrivée le samedi en fin de journée, mon épouse devait nous rejoindre le dimanche soir. Mais j’ai dû la mettre au courant d’un drame qui venait de se produire dans la nuit. Notre quiétude du dimanche matin fut bien vite troublée par des cris et des pleurs. C’étaient les sanglots des enfants. Trois petits avaient vu : « Il y a un monsieur attaché avec une corde et ses pieds ne touchent pas à terre… » C’est la mère qui a recueilli le corps de son fils. Cette scène, devant le Lac, nous a bouleversés. Comment ne pas penser à Marie qui reçoit dans ses bras son fils broyé par le monde. Nous ne pouvions, avec nos si pauvres moyens, qu’être une présence compatissante.

Jeune communiante
Jeune communiante | Photo : Sébastien Lafontaine

En apprenant la nouvelle au téléphone, mon épouse m’a répondu qu’elle viendrait comme prévu, que notre choix est de côtoyer nos frères algonquins dans la vie comme dans le deuil. Renelle a bien failli annuler le camp pastoral. Ce fut un choc épouvantable pour tout le monde. Mais en fin de compte, cet événement nous a liés plus fortement. Nous avons marché dans l’épreuve, ensemble.

Enfin, la grande rencontre

Notre évêque, Guy Boulanger, est venu nous rejoindre en canot pour la cérémonie de première communion qui s’est tenue le samedi 20 août. Quatre enfants et deux adultes accueillaient l’eucharistie pour la première fois, une grande fierté pour toute la communauté.

La plupart des gens ont quitté la presqu’île le samedi en fin de journée, dont mon épouse et notre plus jeune. Il fut décidé que je resterais jusqu’au lundi. Nos deux plus vieux choisirent de rester eux aussi; ils ne voulaient rien manquer des événements à venir. Si la semaine avait débuté avec la mort d’un jeune homme, notre séjour s’achèverait avec ses funérailles. Cette seule journée du lundi 22 septembre 2022 pourrait faire l’objet d’un précieux récit.

Ma fille et moi auront passé un total de dix jours en territoire traditionnel anicinabe. Chaque instant, j’ai senti que mes journées étaient pleines de vie, sans distraction, proche des uns et des autres, au cœur de l’immensité. Toute ma famille a été profondément touchée par ce séjour.

Merci Monique et Alfred de nous avoir accueillis dans votre monde.

Merci Bertha et Patrick de nous avoir accueillis dans votre épreuve.

Madjacin ! (Au revoir)

En lien avec cet article, on pourra lire l’article Kitcisakik, sous le signe de la croix de Sr Renelle Lasalle.

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