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Sans pitié

Recension du livre : David Groulx (traduction : Éric Charlebois), Sans pitié, Ottawa, Les Éditions David, 2017, 119 p. (Coll. « Voix intérieures »)

par Pascal Huot

La voix autochtone de David Groulx retentit de nouveau dans la francophonie canadienne avec la publication du recueil Sans pitié. Parue d’abord en 2013 dans sa version originale anglaise sous le titre Imagine Mercy, c’est le prolifique poète et traducteur Éric Charlebois qui l’offre ici en lecture. C’est lors d’une rencontre entre les deux poètes au Festival international de poésie de Trois-Rivières qu’Éric Charlebois offre son aide pour traduire pendant le festival quelques poèmes de David Groulx. Après cette expérience, le traducteur se replonge dans l’univers d’Imagine Mercy, de son nouvel ami.

David Groulx est un autochtone, et sa poésie transmet bien cette réalité. Métis, né dans la ville minière d’Elliot Lake, dans le nord de l’Ontario, d’une mère ojibwée et d’un père franco-canadien, fier de ses racines amérindiennes, l’auteur constate et dénonce. « Connais cette terre / Connais-moi / Comme cette terre me connaît » (p. 116). La force de Sans pitié réside dans sa poésie narrative revendicatrice. Il n’écrit pas de la « poésie pastorale », mais une protestation du quotidien, d’une réalité aliénante pour les siens.

On pourrait reprocher à certains textes de manquer de nuances, d’y voir une attaque généralisée et dirigée contre les « Blancs », mais le lecteur attentif y verra au contraire une lucidité dénonciatrice pour faire avancer la société, pour ne pas voiler la réalité, pour que le constat mène vers le changement. Le poète y glisse même pour faire passer son message une touche d’ironie dans certains textes : « comme si tu n’étais même pas ici / n’avais jamais été ici / ils aiment ça terra nullius / Ils aiment ça luisant et propre / comme M. Net / blanc / vacant / vide » (p. 33-34). Cet humour cynique se retrouve parsemé dans le recueil : « Je ris quand je vois des Blancs qui se font bronzer / ils pensent qu’ils ont ainsi l’air en santé / alors que c’est nocif d’être brun dans ce pays-ci » (p. 59).

Outre son chant de riposte contre la guerre, le sort réservé aux siens ou l’état actuel de la société, le poète explore également « de profonds terriers de souvenirs » (p. 108) de son enfance. Une poésie directe, sans compromis ni foutaise, qui constate et dénonce la réalité des Premières Nations au Canada, les actes et l’histoire. « [C]e territoire je te montrerai / tourne-toi par ici vers moi » (p. 108). Prenons le temps d’écouter sa voix, car elle est remplie de sens.

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