Aller au contenu Aller à la barre latérale Atteindre le pied de page

Shushei au pays des Innus

Recension du livre Shushei au pays des Innus, de José Mailhot (Montréal, Mémoire d’encrier, 2021, 216 pages), par Pascal Huot.

Feu José (Shushei) Mailhot (1943-2021) est issue d’une forte cohorte de chercheurs qui ont arpenté le territoire autochtone, dont Rémi Savard (1934-2019), Sylvie Vincent (1941-2020) et Serge Bouchard (1947-2021). Ce nouveau titre de l’ethnolinguiste nous propose un retour à l’âge d’or de l’anthropologie chez les Innus de la Côte-Nord, âge d’or qui s’est déroulé dans les années 1960-1970. Shushei au pays des Innus transporte le lecteur en plein cœur de ces années de transition dans le Nitassinan, soit le territoire ancestral du peuple innu. Comme le souligne le regretté anthropologue Serge Bouchard, qui signe la préface de l’ouvrage, cette « époque est révolue, ce temps-là est passé. Les vétérans de la recherche rapaillent maintenant leurs notes, leurs idées, sorte de synthèse de la mémoire » (p. VIII).

Page couverture Shushei au pays des InnusJosé Mailhot nous lègue ici un certain bilan, son livre retraçant des anecdotes, des histoires, des moments charnières de ses séjours avec les Innus, principalement à Matimekosh (Shefferville), à Tshishe-shashit (Sheshatshui) et à Uashat (Sept-Îles). Elle a relevé le défi d’apprendre l’innu-aimun et cela lui a valu sur la Moyenne-Côte-Nord le surnom de « Kakusseshishkueu Kainnu-aimit », c’est-à-dire « la Blanche qui parle innu ». La langue sera donc le principal moteur de ses recherches.

L’ouvrage s’articule autour de treize textes qui permettent de comprendre l’apport inestimable de la lexicographe, de découvrir les amitiés réelles qu’elle a développées au fil des ans, des moments plus difficiles de la réalité des vies en réserve, ou encore la découverte d’une indispensable mappe topographique du territoire emmurée dans les bureaux du Conseil de bande de Sheshatshui. Alliée et traductrice derrière la publication du célèbre Je suis une maudite Sauvagesse/Eukuan nin matshimanitu innu-iskueu (Leméac, 1976) de An Antane Kapesh, elle présente notamment les tribulations entourant l’écriture du célèbre manuscrit. Elle fait également découvrir plusieurs subtilités et dialectes régionaux de cette riche langue, par exemple la différence entre tabagane et toboggan, c’est-à-dire traîneau sans patins et traîneau muni de patins.

Ouvrage de souvenirs, témoignage d’une époque où « personne ne se souciait des  » Indiens du Canada « . C’était le silence, l’ignorance, l’indifférence et, trop souvent, le mépris » (p. V). José Mailhot a été au cœur de cette aventure. Les récits qu’elle livre sont d’une touchante réalité et vérité. Il aurait été intéressant d’y inclure des images issues de cette période et des gens qu’elle présente, sachant qu’elle possède des photographies. Au terme de la lecture, reste l’impression que beaucoup de chemin a été parcouru depuis, mais qu’il reste encore un bout de sentier à faire avant d’arriver à une saine cohabitation, ancrée dans un rapport d’égal à égal.  

Laisser un commentaire