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Tainna

Image en bandeau : Lire en nature | Photo : Ben White/Unsplash

Recension du livre : Norma Dunning, Tainna, Montréal, Mémoires d’encrier, 2023, 234 pages (traduction : Daniel Grenier)

Norma Dunning est écrivaine et elle enseigne les savoirs autochtones à l’Université des Premières Nations du Canada. Elle nous offre ici un recueil de six nouvelles, composant autant de voyages dans des mondes quasi exotiques et, pourtant, ce sont ceux de notre quotidien, nous qui vivons dans les villes du sud du Canada. Ce livre nous plonge dans un univers où règnent l’iniquité et la violence. Mais cette laideur côtoie malgré tout une certaine beauté, de l’humour et de la bienveillance. Il raconte l’histoire de personnages modernes d’Inuits ayant quitté leurs terres natales. L’auteure nous les présente avec réalisme, mais aussi avec leur ténacité et la force de leur spiritualité, pour nous sortir de la laideur qui leur est infligée.

Il y a d’abord Amak, qui retrace le parcours opposé de deux sœurs au passé lourd, chargé de violence familiale, qui tentent chacune à leur façon de se retrouver. Puis Kunak suit un Inuit errant dans la grande ville. Il n’a pas toujours arboré ce visage sale ou connu cette déconfiture. Aujourd’hui sans-abri, il tente de s’en sortir en retrouvant une chaleur humaine, alors que la rédemption devient plutôt possible grâce à l’intervention des ancêtres. Un duel s’installe sur les deux plans, celui des humains et celui des esprits, afin de le ramener vers la lumière et l’espoir. Le paradis des esquimaux ne peut que faire sourire. Voilà un prêtre animé de sa bonne foi, mais qui devra converser avec un fantôme pour mieux comprendre et aimer l’assemblée de fidèles qui revient le voir semaine après semaine. Avec Panem et circenses (du latin « du pain et des jeux »), l’auteure nous sort de notre zone de confort. Le lecteur devient le spectateur d’un jeu dangereux, sans véritable gagnant. Ces vieux os permet de découvrir le personnage d’Annie, qui est une femme toute simple, avec ses désirs et ses espoirs. Cependant ceux-ci sont sans cesse bafoués par les hommes autour d’elle. Elle doit se terrer, ne plus parler, presque disparaître pour continuer d’exister. Jusqu’au jour où elle peut de nouveau entrer en relation avec une personne de son passé… et peut-être envisager un avenir plus doux. Enfin, il y a la nouvelle de Tainna (celles et ceux qu’on ne voit pas). Il y a ces femmes qui disparaissent. Heureusement, il y a un homme pour faire la lumière sur l’une d’entre elles, guidé par les esprits. Il y a un homme qui désire aller à sa rencontre et connaître son histoire.

Voilà donc autant de personnages d’Inuits forts et modernes. Grâce à ces nouvelles, Norma Dunning nous permet d’aller à leur rencontre, de découvrir leur spiritualité, leur humour et leur persévérance. Chacune de ces histoires lève un peu plus le voile de l’invisible. Ce voile peut nous montrer un ancêtre, un esprit, mais aussi un voisin, un humain. Ce livre nous dévoile un monde arbitraire et abusif, qui constitue pourtant le nôtre. À nous de voir si c’est celui dans lequel nous voulons continuer d’avancer, sans le voir.

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