Recension du roman Taqawan d’Éric Plamondon (Éditions Le Quartanier, 2017, 216 p.)
1981. Céline Dion interprète pour la première fois la chanson Ce n’était qu’un rêve à la télévision. Gilles Villeneuve remporte le Grand Prix de Formule 1 en Espagne. Voilà quelques moments forts de l’époque qui ont marqué les esprits au Québec. Mais qui se souvient de l’affrontement important qui a eu lieu entre les policiers de la Sûreté du Québec et les Mi’gmaq de Restigouche, en Gaspésie, à propos des droits de pêche au saumon ?
Le roman Taqawan d’Éric Plamondon nous fait voir avec doigté ce décalage et nous amène à plonger dans une histoire ayant pour toile de fond ces évènements que notre mémoire collective souhaite peut-être effacer et qui – ironie du sort ? – auront lieu près de 200 ans après une autre bataille historique mettant en scène les mêmes protagonistes en 1760 : Anglais, Français et Mi’gmaq.
« “Il avait démissionné, une jeune Mi’gmaq se trouvait sous sa protection, deux hommes étaient morts et une partie du Québec voulait qu’on en finisse une fois pour toutes avec les Indiens.”
» Cette histoire commence en Gaspésie, le 11 juin 1981. Cette histoire commence il y a des millénaires, avant les Vikings, avant les Basques, avant Cartier. Cette histoire commence avec les Mi’gmaq. Pour eux, c’est la fin des terres, Gespeg. Pour d’autres, c’est le début d’un nouveau monde.
» Alors que trois cents policiers de la Sûreté du Québec débarquent sur la réserve de Restigouche pour saisir les filets des pêcheurs mi’gmaq, un agent de la faune change de camp, une adolescente affronte ceux qui ont humilié son père, un vieil ermite sort du bois, une jeune enseignante s’apprête à retourner dans son pays – pendant que le saumon devenu taqawan, au retour de son long périple en mer, remonte la rivière jusqu’au lieu de sa naissance.
» Taqawan est une histoire de pêche et d’affrontements. Une histoire de crimes et d’accointances, d’injustice et de droits bafoués. Taqawan est une histoire de rencontres et de recommencements, de survie et de résistance. » (quatrième de couverture)
Ce roman, dont l’écriture remarquable nous captive, exploite avec finesse l’art du fragment et de la courtepointe. Bruits et fureurs, roman noir et angle mort de l’histoire s’y côtoient avec bonheur pour nous livrer des pages d’une grande vérité qui bousculent, nous font vivre des moments inoubliables et revivre des pans de mémoire que nous aurions intérêt à ne plus passer sous silence.
« Par l’écriture et le télescopage de faits historiques et de visions opposées, Éric Plamondon cherche le long fil qui pourrait dénouer l’impasse de nos relations territoriales, remonte, comme un saumon, à la source de cette sanglante Amérique, dans un roman beaucoup plus sombre et violent que tout ce qu’il a pu écrire avant. » (« Taqawan d’Éric Plamondon : Les saumons de la colère », La Presse, 12 avril 2017)
À lire sans faute.
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