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Trouver les chemins de réconciliation – une initiative baha’ie à Saguenay

Depuis quelques années, je me situe en quête de compréhension et de rapprochement avec les premiers peuples. Je suis toujours à l’affût d’activités, de rassemblements ou de conférences qui sont proposés. Et on peut dire que l’offre a largement augmentée depuis la mort de Joyce Echaquan, notamment. C’est en raison de cette ouverture que je suis tombé sur une activité bien particulière.

On ne le sait peut-être pas, mais il existe à Saguenay, depuis plus de trente ans, une petite communauté de foi baha’ie. « Les bahá’ís croient que le besoin crucial de l’humanité est de trouver une vision unificatrice de l’avenir de la société, ainsi que de la nature et du but de la vie. On trouve une telle vision dans les Écrits de Bahá’u’lláh. » (site Web de la communauté baha’ie) Celui-ci est reconnu par les croyants et croyantes de cette voie comme le dernier messager envoyé par Dieu pour compléter la révélation communiquée par les grands maîtres comme Abraham, Krishna, Zoroastre, Moïse, Bouddha, Jésus et Mahomet. Entre autres messages, la communauté baha’ie s’engage sur le plan mondial à mettre en œuvre les initiatives favorisant la paix universelle et l’unité du genre humain.

En 2019, Sharon Hatcher, médecin généraliste et membre de la communauté baha’ie de Saguenay, s’est engagée avec deux collègues à offrir au moins une demi-journée par semaine au Centre d’amitié autochtone de Saguenay (CAAS). Leur but était évident : offrir un suivi médical à des autochtones vivant en milieu urbain dans un lieu où ils et elles puissent se sentir accueillis en toute sécurité et dans le respect de leur culture. La Dre Hatcher était déjà sensibilisée depuis longtemps à l’importance de la sécurisation culturelle pour approcher les autochtones, surtout en matière de soins, alors il s’agissait simplement pour elle de passer de la sensibilisation à l’action.

Son expérience auprès du CAAS l’a conduite, avec sa communauté, à vouloir permettre aux allochtones et aux autochtones de partager des moments d’échanges à partir de leurs valeurs. En pleine pandémie, l’hiver dernier, le moyen trouvé, comme tant d’autres, fut d’utiliser une plateforme de visioconférence. Ainsi, depuis plus de six mois, un groupe variant de 12 à 20 personnes se rencontre en ligne les mercredis, à partir de 19 h 30. Sur Facebook, l’activité est présentée ainsi : « Soirée dédiée à la vérité et à la réconciliation. En cette période remplie de défis, nous cherchons à prendre le temps pour écouter avec le cœur. Pour réfléchir à ce que chacun peut faire pour la guérison et la construction d’un monde meilleur. Merci aux Aînés et à tous ceux qui viendront partager par leurs paroles et leurs chants. Des prières en plusieurs langues seront dédiées aux survivants des pensionnats et aux enfants autochtones disparus. Chacun est bienvenu de contribuer ou de simplement venir écouter. »

Moment de paix et de sérénité

Je me suis présenté à l’une de ces rencontres le 13 octobre dernier. J’y ai été accueilli avec chaleur et respect. Il n’y avait au début que quelques membres de la communauté baha’ie. Après quelques mots échangés et les présentations d’usage, il fut proposé de faire des prières pour une Innue de Pessamit qui souffre de problèmes respiratoires et qui avait été hospitalisée le jour même. Chaque personne y allait tour à tour, lisant un texte ou l’autre tiré des Écritures baha’ies. J’y ai trouvé des ressemblances avec de nombreux passages bibliques, notamment les psaumes.

Une aînée qui venait d’arriver est apparue soudainement depuis un camp familial d’automne composé de huit tentes. Elle a pris soin de faire un tour des différents lieux avec son téléphone pour que les personnes présentes sur Zoom puissent bien visualiser les lieux. Après cette visite, cette femme rieuse a accepté de faire elle-même une prière chantée dans sa langue maternelle. Et ce fut le tour d’une autre, elle aussi arrivée à l’improviste, d’une communauté différente. Cette dernière entama une prière en français, chantée sur un air autochtone. Ma surprise fut grande lorsqu’elle finit en disant qu’il s’agissait d’une prière de Baha’u’llah. C’est donc dire que ses écrits ont commencé à pénétrer en territoires innus et atikamekws…

Au cours de cette expérience, je me suis senti à l’aise, accueilli, tout en demeurant discret. Mais je n’ai pu en rester à un rôle d’observateur. Je me suis laissé aller à entrer dans le rythme des paroles échangées, à goûter les moments de prière, à laisser monter en moi des élans du cœur vers ces personnes.

Il y a bien eu un moment où j’ai décroché devant un discours improvisé qui m’est apparu irrationnel, mais l’heure n’était pas à la discussion ni au jugement, mais plutôt à une écoute respectueuse. Je me suis dit alors qu’il s’agissait d’un vrai cercle de parole. Chacun et chacune, à son rythme et suivant sa volonté, peut apporter une petite contribution personnelle à partir de sa propre vie, sa propre spiritualité.

Je perçois ceci comme une initiative bien humble : quelques habitués, peu d’autochtones, mais quand même au centre de l’attention, des paroles de sagesse et d’autres moins rationnelles, des rythmes et des prières partagés, quelques heures de paix. Je me dis qu’il est possible de poser des gestes, chacun et chacune à sa mesure, pour favoriser de vraies rencontres et cheminer, en vérité, vers la réconciliation.

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