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Une Abénaquise se raconte… (partie 1)

Le vendredi 17 avril dernier avait lieu à Saint-Janvier une soirée-bénéfice au profit de Mission chez nous organisée par le comité diocésain de pastorale missionnaire du diocèse de Saint-Jérôme. À cette occasion, Mme Nicole O’Bomsawin, historienne, anthropologue, muséologue, professeure et conteuse, avait été invitée à donner une conférence sur l’histoire de sa nation et des autochtones au Québec. Aussi, en toute primeur, et en raison d’une partie par semaine pendant un mois, nous diffuserons donc, sur notre blogue, son témoignage unique et fascinant…

Première partie de quatre.

Le jour de Kateri

Ça me fait plaisir d’être ici. Comme j’ai l’habitude de faire, j’ai dit oui à l’invitation. Je pense que quand on est invité et qu’on ose dire oui, vous avez des choses à faire. Moi j’ai osé dire oui et je suis ici ce soir avec vous… avec ce temps merveilleux! Je me suis fait accompagner par des outardes en m’en venant, donc pour moi c’est merveilleux, c’est merveilleux de me retrouver ici.

D’emblée, ce que je veux partager avec vous, parce qu’aujourd’hui, c’est la fête de sainte Kateri, c’est que nous, on avait fait à Odanak, nous les Abénaquis. On avait composé une chanson que l’on avait chanté aussi à la chorale » On l’avait chanté lorsqu’elle était bienheureuse en espérant qu’elle soit sainte – en fait, pour nous elle l’était déjà. Quand on a eu la réponse que, finalement, elle était sainte, pour nous c’était… on s’est dit : «Ah bien oui, ça fait longtemps qu’elle est sainte.» Donc, je vais juste vous chanter un chant – qui n’est pas un chant amérindien, mais un chant français sur le thème de Beethoven – donc qui a été composé en l’honneur de Kateri, comme c’est sa fête aujourd’hui… Je ne peux pas passer sans souligner cet anniversaire!

Douce et venue des saints anges,
bienheureuse Kateri,
Jour et nuit par tes louanges,
tu sais vivre en Jésus-Christ.
Dans nos cœurs, met ta confiance,
mets ton amour pour le Seigneur,
Fais grandir notre espérance,
rends notre monde meilleur.

La nature et ses richesses
ont toujours touché ton cœur,
Tu savais le reconnaître,
l’amour de ton créateur.
La voix du vent dans les arbres
te rappelait le Grand Esprit
Qui anime tous les êtres,
les grands comme les petits.

Le territoire des Abénaquis

Alors, voici : moi je suis Abénaquise, je viens d’Odanak, alors pour ceux qui ne savent pas – quelques-uns me l’ont demandé – où est Odanak? Odanak, c’est sur la rive sud, à trente kilomètres de Sorel, entre Sorel et Nicolet. On est dans la région du Centre du Québec. Donc, dans la région du Centre du Québec, il y a des Abénaquis à Odanak et à Wôlinak, près de Trois-Rivières. C’est là que les deux seuls communautés indiennes abénaquises sont situées.

En fait, des Abénaquis, il y en a partout. Il y en a qui vivent ici, à Saint-Jérôme. Il y en a qui vivent un peu partout, à Ottawa, etc., mais Il n’y a que deux communautés : Odanak, d’où je viens, et Wôlinak. Pour ce qui est de l’histoire, je vais faire ça vite en disant que les Abénaquis… étaient comme la plupart des nations autochtones en majorité des Algonquiens. On fait partie de la grande famille des Algonquiens, puis on était nomades. En réalité, les Abénaquis étaient semi-nomade, car nous on faisait déjà des jardins, comme les Iroquois faisaient des jardins. C’est la raison pour laquelle je porte du maïs autour de mon cou. Donc, les femmes cultivaient le maïs, les courges, les fèves, comme les Iroquoiens en fait, mais on n’était pas tellement bons agriculteurs, je vous l’avoue. On cultivait nos plants sur des îles. Souvent, on faisait des jardins, puis on s’en allait plus loin pour aller à la pêche et on revenait récolter à la fin. Donc, on récoltait ce qui poussait en fait. Pour nous, ce n’était pas la nourriture principale. Notre nourriture principale, c’était la chasse, la pêche et la cueillette, comme les Algonquiens, mais les récoltes du jardin, c’était le supplément, alors que chez les Iroquois, c’était la principale source de nourriture. Donc, ça c’était pour les Abénaquis.

On dit souvent des Abénaquis – je vous ai laissé une carte sur la table là-bas – qu’ils n’étaient pas des gens du Canada. Ce ne sont pas des gens du Canada, mais des États. Les Américains, quant à eux, disent qu’on n’était pas des gens des États-Unis, mais du Canada. Alors, qui sommes-nous, là? Les Abénaquis, c’est sûr, circulaient, comme les Iroquois d’ailleurs, de part et d’autres de la frontière… en fait, pour nous, il n’y en avait pas de frontières! La rivière qui coule, elle n’arrête pas parce qu’il y a une frontière. On se promenait sur les rivières, d’une rivière à l’autre. C’est sûr que le territoire plus au sud des Abénaquis, c’était Boston. On se rendait jusqu’à Boston… C’était ça, le territoire traditionnel des Abénaquis. De Boston, on remonte tout le long de la côte, puis sur le territoire du Québec, on remonte en Estrie et en Beauce jusqu’au fleuve Saint-Laurent. Et puis, du côté des États-Unis, jusqu’au lac Pitavag. Pitavag, vous savez ce que c’est? C’est le lac Champlain. Champlain lui a donné son nom, il est important lui, alors que pour nous, pendant des siècles et des siècles, ce lac-là s’appelait Pitavag. Pitavag, ça veut dire « le lac entre les deux ». Il faisait la division, la frontière entre le territoire iroquois, qui était situé du côté de New-York, alors que du côté du Vermont, c’était le territoire des Abénaquis. Alors, on était d’un côté de la rivière Hudson et, de l’autre côté, c’était les Iroquois. La même chose si on entre au Québec par le lac Champlain, on arrive à la rivière Richelieu qui, dans l’histoire que vous avez apprise, est la rivière des Iroquois. Je vous dis tout de suite que ce ne sont pas les Iroquois qui ont fait cette rivière-là. Nous, on était du côté de la rivière où sont Saint-Denis et Saint-Hilaire, ça c’était le côté des Abénaquis. Puis, de l’autre côté, Saint-Antoine, Saint-Marc, c’était le chemin des iroquois. Alors, on était les deux sur la même rivière. On était pas toujours en chicane, on était pas toujours en train de se battre. On circulait sur la même rivière, c’était notre frontière à tous les deux. Alors voilà ce qu’était le territoire des Abénaquis.

À suivre.

À NE PAS MANQUER!
La semaine prochaine
(partie 2 de 4) :

Le choc des cultures
et

Toutes les nations ont leur propre histoire de création

1 Commentaire

  • Hélène Pichette
    Publié 6 août 2015 à 3 h 46 min

    Vous êtes très inspirante, chère madame, et je vais vous suivre sûrement. J’aime votre sourire. J’ai bien hâte d’en savoir plus…

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